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Taïwan face à la tenaille sino-américaine (1/2)

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Actuellement, Taïwan détient le leadership en matière de fabrication de semi-conducteurs. Cela en fait, à l’ère de la révolution numérique, un territoire d’une importance hautement stratégique politiquement et économiquement. Ce qui explique la volonté chinoise de plus en plus affirmée à vouloir reprendre intégralement le contrôle du territoire taïwanais. L’invasion de Taïwan par la Chine semble donc se concrétiser. Face à cela, les États-Unis sont déterminés à renforcer leurs efforts pour garantir la protection de l’autonomie du gouvernement de Taipei. Toutefois, Pékin et Washington représentent, chacun à leur manière, une menace pour l’autonomie taïwanaise piégée dans les  pinces de la tenaille sino-américaine.

Taïwan: à l’origine était la Hollande et non la Chine

Leader mondial en matière de fabrication de semi-conducteurs, Taïwan attise l’appétit des grandes puissances

Nombreuses sont les puissances étrangères ayant revendiqué leur souveraineté sur Taïwan. Découverte en 1544, les Hollandais l’ont occupée à partir de 1624. C’est ainsi que cette île fit office, à l’origine, de comptoir pour la Compagnie des Indes orientales hollandaise (la VOC), dans le cadre des activités commerciales de cette dernière avec la Chine et le Japon. En 1661, le général chinois Koxinga chassa les Hollandais de Taïwan.  Cet homme était resté fidèle à la dynastie des Ming effondrée en 1644 pour être supplantée par celle des Qing. Il comptait donc faire de cette ancienne possession hollandaise une base stratégique, afin de reconquérir la Chine continentale. Raison pour laquelle, en 1683, en réaction, la dynastie des Qing pris le contrôle de l’île. Elle restera sous leur domination jusqu’à ce que les Japonais intègrent ce territoire à leur empire, en vertu traité de Shimonoseki du 17 avril 1895, que conclurent Chine et le Japon, suite à une victoire militaire du second sur la première. Cette guerre sino-japonaise portait initialement sur le contrôle de la péninsule coréenne. Taïwan resta sous domination japonaise jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En effet, après la défaite du Japon, elle retomba à nouveau sous domination de la République de Chine. Cela, en vertu de ce qu’avaient convenu les puissances Alliées durant la Conférence du Caire de 1943.

Deux Chines et Taïwan

A partir de 1947, le régime de la République de Chine (RC) entra en guerre avec les troupes communistes de Mao Zedong soutenues par l’URSS. En vainqueurs, ces dernières proclamèrent la République populaire de Chine (RPC), le 1er octobre 1949. Dès lors, Taïwan servit de base arrière pour le régime nationaliste défait. En effet, les troupes de Chiang Kaï-check, ancien dirigeant de la RC, étaient déterminées à reprendre le contrôle de la Chine continentale tombée en mains communistes. Comme au temps de Koxinga, Taïwan redevint une base stratégique dans le cadre d’un conflit intra-chinois qui, somme toute, ne la concernait pas.

Par la suite, à partir de 1972, les relations entre la Chine communiste et les États-Unis s’améliorèrent. Ce qui conduisit au Taiwan Relation Act de 1979. Ce traité, encore en vigueur aujourd’hui, ne reconnait qu’une seule Chine, la RPC. Il garantit toutefois à Taïwan, le statut de province autonome par rapport au pouvoir central pékinois. Statut que, jusqu’à maintenant, les Américains se sont toujours engagés à faire respecter.

Taïwan : l’enjeu stratégique des grandes puissances dans la course aux semi-conducteurs

Entre temps, en 1987, est créée à Taipei une société spécialisée dans la fabrication de semi-conducteurs. Il s’agit de la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC). Aujourd’hui, elle possède entre 55% et 66% des part de marché de semi-conducteurs. Ces matériaux sont indispensables au fonctionnement d’un grands nombres d’objets électroniques. 90% de la production de semi-conducteur les plus avancés au monde est assumée par TSMC. La participation de Taïwan au PIB mondial ne s’élève qu’aux environs de 1%. Cependant, nous vivons actuellement dans un système économiquement globalisé. Les chaines de production se répartissent donc entre plusieurs pays.  De ce fait, pour un État, la valeur qualitative ajoutée par sa main-d’œuvre nationale est bien plus décisive que la valeur strictement quantitative de son PIB.

Dans le cas hypothétique où Taïwan retomberait, de facto, sous domination chinoise, la Chine acquerrait alors un poids économique et politique majeur sur la scène internationale. Toutefois, malgré la dégradation politique des relations sino-taïwanaises, TSMC n’a jamais renoncé à l’immense débouché commercial que représente le marché chinois. Elle a même entrepris une collaboration avec le géant téléphonique chinois Huawei, son deuxième client après Apple. C’est finalement sous la pression conjointe du gouvernement taïwanais, et du gouvernement américain ayant mis Huawei sous embargo, que la firme a réorienté ses activités sur le marché américain en lieu et place du marché chinois, dès mai 2020. Cela, pour le meilleur ou pour le pire…

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Sources 

  • Lee Hsiao-feng, 2004, Histoire de Taiwan, L’Harmatan
  • Reich, Robert, 1993, L’économie mondialisée, Ed. Dunod
  • https://www.usinenouvelle.com/article/les-trois-grandes-forces-de-taiwan-dans-les-semi-conducteurs.N2121216
  • https://fr.statista.com/infographie/27908/plus-grandes-fonderies-semi-conducteurs-selon-chiffre-affaires/
  • https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-15/taiwan-is-still-semiconductor-leader-as-chip-exports-rise-again?in_source=embedded-checkout-banner
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Yoann Lusikila

Yoann Lusikila est diplômé de science politique à l'Université de Lausanne. Il s'est spécialement intéressé aux enjeux de sécurité internationale, et de guerres économiques, à l'aune de la globalisation économique.

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