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Le nouveau visage de l’industrie – les évolutions (1/3)

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Une ferme de serveurs
Une ferme de serveurs

Dans l’imaginaire collectif industrie rime souvent avec aciérie, or l’industrie a changé de visage avec la révolution internet et la mondialisation, quelle réalité recouvre aujourd’hui ce concept ?

Selon l’INSEE « relèvent de l’industrie les activités économiques qui combinent des facteurs de production (…) pour produire des biens matériels destinés au marché ». En somme, sans production de biens manufacturés pas d’activité industrielle. Cependant aujourd’hui l’industrie ne ce n’est pas seulement la production de biens, mais aussi la production de services. En effet, un tiers des entreprises manufacturières installées en France en 2007 vendaient majoritairement des services. Dès lors comment les classer, secteur tertiaire (service) ou secondaire (industrie) ? Cette classification inventée par l’économiste anglais Colin Clark en 1947 a-t-elle encore un sens aujourd’hui ?

Il apparaît que les services et l’industrie sont de plus en plus mêlés. L’industrie externalise de nombreuses activités, elle fait donc appel à un prestataire de services pour les réaliser à sa place. Parallèlement, les entreprises de services, notamment celles issues de la révolution internet, disposent des caractéristiques traditionnelles de l’industrie. Les fermes de serveurs de Google et des géants américains du net en sont un parfait exemple. Comme n’importe quelle chaîne de production, les serveurs consomment beaucoup d’énergie (refroidissement), ils représentent une immobilisation de capitaux très importante, et permettent de réaliser des économies d’échelle conséquentes. Ajoutons que l’amélioration constante des composants électroniques accroît toujours davantage les performances des serveurs, l’industrie du numérique dispose donc d’une autre caractéristique « industrielle » : de forts gains de productivité.

 

La révolution numérique n’est pas la seule a avoir redessiné les contours de l’industrie, la mondialisation a elle aussi bouleversé le secteur. En effet, les chaînes de production sont désormais fractionnées, pour chaque composant ou service nécessaires à la production d’un produit fini, les entreprises décident d’établir la fabrication du composant ou service dans le pays ayant le plus d’avantages compétitifs pour réaliser cette tâche (coût de production, qualité des infrastructures, de l’éducation…). La chaîne de valeur est dispersée dans le monde entier. Dorénavant dans la compétition économique mondiale, l’objectif pour un pays ou une entreprise est d’occuper la meilleure place dans cette chaîne de valeur. Il s’agit de produire des biens ou services à forte valeur ajoutée qui s’incorporent ensuite dans un produit fini pas nécessairement fabriqué sur le territoire du pays en question. Cette logique appelle les économistes à reconsidérer la balance commerciale en tant qu’indicateur des rapports de force commerciaux et à plus prendre en compte la valeur ajoutée dans leur analyse. L’OCDE a d’ailleurs créé un nouvel indicateur l’EVA (échanges en valeur ajoutée) à cet effet.

 

L’exemple emblématique est l’iPhone 3G d’Apple. « En 2009, le produit phare d’Apple dégraderait le déficit commercial américain de 1,9 milliard de dollars et serait à lui seul responsable de 0,8 % du déséquilibre des échanges américains vis-à-vis de la Chine. » écrit Christian Parisot dans La Tribune, s’appuyant sur une étude de deux chercheurs américains qui décomposent le prix constructeur de l’iPhone 3G en fonction de ses différents composants. Pourtant, l’assemblage en Chine ne représente que 3,6% du prix constructeur contre 34% pour les composants japonais, 17% les allemands et 13% les coréens. Preuve que la Chine n’est pas la grande bénéficiaire du succès de l’iPhone 3G et que les pays bien situés sur la chaîne de valeur tirent largement partie du succès de la marque à la pomme. Cependant le plus gros de la marge revient bien évidemment à Apple, qui se charge de la conception et du marketing.

 

La note du CAE consacrée à l’industrie de juin 2014 constate ainsi : « L’industrie change de nature et ne fait plus qu’une avec les services. Le périmètre des entreprises change avec le fractionnement des chaînes de valeur. Ce qui définit une entreprise industrielle, c’est l’implication dans la conception des produits, la propriété intellectuelle et la prise de risque économique. Ce qui définit l’industrie c’est la production de masse, la réalisation d’économie d’échelle, les gains de productivité, et l’application du progrès technique. »

Faire évoluer notre vision des enjeux industriels pour concevoir des politiques publiques plus adaptées devient donc une nécessité.

Pour aller plus loin :

Note du Conseil d’Analyse Economique Juin 2014, Pas d’industrie, pas d’avenir ? Lionel Fontagné, Pierre Mohnen, Guntram Wolff

How iPhone widens the US Trade Deficits with PRC, Yuqing Xing et Neal Detert

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