L’OTAN s’enlise-t-elle plus en Russie qu’en Libye ?
Alors que Kadhafi vient de difficilement fêter mardi 7 juin ses 69 ans sous les bombardements des appareils de l’OTAN, il a prévenu par message radio qu’il se battrait jusqu’au bout. Mais sur ce front, l’OTAN tient et s’engage même à une intensification de ses frappes. Alors qu’on entend de plus en plus parler d’enlisement en Libye, le véritable enlisement ne semble pas se produire sur le terrain mais sur le plan diplomatique avec la Russie.
En effet, en dépit des diatribes de Kadhafi, l’OTAN continue d’enregistrer des soutiens avec, notamment, celui de l’Allemagne, qui s’était pourtant abstenue lors du vote de la résolution de sécurité à l’ONU. Mme Merkel, en visite à Washington mardi, a assuré que Kadhafi devait quitter immédiatement le pouvoir et que la coalition avait fait de grands progrès. Elle a enfin assuré que son pays serait prêt à aider une fois Kadhafi déposé. Plus déstabilisant pour ce dernier est le soutient du président sénégalais Abdoulaye Wade au CNT (le Sénégal a reconnu officiellement le CNT fin mai), il est même attendu jeudi 9 juin à Benghazi. Cette visite sera la première d’un chef d’État étranger au siège de l’opposition mais surtout elle marque la première défiance officielle envers Kadhafi d’un pays africain. Or Kadhafi s’est énormément appuyé sur ce continent pour légitimer son pouvoir. Mardi déjà, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, chef de la médiation de l’Union africaine sur la Libye, avait estimé que le départ de Kadhafi était « une nécessité » à une sortie de crise.
Plus globalement, l’Union africaine ne croît plus à une sortie de crise négociable. Sur le front, en dépit de l’absence de bombardements de l’OTAN, les rebelles sont parvenus à conserver la ville assiégée de Misrata contre une offensive menée ce matin par une force de deux mille à trois mille soldats soutenus par des blindés.
Le principal problème pour l’OTAN pourrait venir d’un affrontement plus feutré mais néanmoins stratégique : la question de la mise en place d’un bouclier anti-missile en Europe. La question a fâché les États-Unis et la Russie depuis le premier mandat de Bush fils à propos de l’installation de batteries anti-missiles tactiques et stratégiques en Europe. Les américains présentant cela comme une défense contre l’Iran, les russes voyant ce bouclier comme une menace à leur puissance nucléaire. Une solution avait été esquissée en novembre dernier à Lisbonne mais l’OTAN a réservé un accueil glacial à la proposition russe de division du continent en « zones de responsabilités » russes et occidentales, ainsi qu’aux assurances que réclamait la Russie sur le fait que ce bouclier n’handicaperait pas son arsenal.
Le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a cependant assuré au ministre de la défense russe Serdyukov qu’il « comprenait » ses demandes mais que le projet de l’OTAN est celui d’un bouclier reposant sur deux systèmes indépendants. Sur ce point les deux camps campent fermement sur leurs positions et il est plus que probable que Kadhafi aura été déposé lorsqu’un compromis sera trouvé.