Burkina Faso : un putsch soutenu par la rue
Après le Mali et la Guinée, c’est au tour du Burkina Faso de voir son président renversé par les militaires. Lundi 24 janvier 2020, la junte a déchu Roch Marc Christian Kaboré de ses fonctions. Tout en bénéficiant d’un indéniable soutien populaire, comme dans ses pays voisins. L’accueil favorable du coup d’Etat illustre bien le contexte actuel au Sahel. Face à l’avancée constante du terrorisme djihadiste, la déliquescence des États et la contestation croissante de la présence française dans la région, les populations semblent se tourner vers les forces armées plutôt que de soutenir un modèle démocratique qui peine à convaincre.
De mutineries à coup d’Etat
Le dimanche 23 janvier 2022, des mutineries ont éclaté dans plusieurs casernes du pays. Les événements se sont ensuite déroulés très rapidement. Des coups de feu ont d’abord retenti vers la résidence du président. A minuit, les putschistes ont annoncé la fermeture de toutes les frontières et un couvre-feu de 21 à 5 heures.
Après une journée d’incertitude, le putsch est officialisé à la télévision nationale lundi 24 au soir. Cette annonce est suivie de près par la publication d’une lettre manuscrite, signée de la main du président déchu, adressée au chef du MPSR. Il y indique sa démission « dans l’intérêt supérieur de la nation, suite aux événements qui s’y déroulent ».
Malgré la circulation de plusieurs rumeurs sur son sort, l’ancien président du Burkina est, selon plusieurs sources, en sécurité. Il serait détenu dans une résidence surveillée.
Un président de plus en plus contesté
Roch Marc Christian Kaboré se trouvait à la tête du Burkina Faso depuis six ans. Élu dès le premier tour en 2015, il avait suscité une vague d’espoir démocratique et de changement. Il jouissait à l’époque d’un important soutien populaire après que la rue ait chassé son prédécesseur, Blaise Compaoré au pouvoir depuis 1987.
Malgré sa réélection en 2020, Kaboré était de plus en plus contesté pour sa difficulté à gérer la crise sécuritaire. Comme ses voisins, le Burkina se trouve dans une spirale de violences djihadistes, particulièrement meurtrières ces dernières années.
La junte a par ailleurs promis de faire de la sécurité et du retour à la stabilité ses priorités. D’où son nom de Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). A sa tête, Paul-Henri Sandaogo Damiba. Ce lieutenant-colonel de 41 ans, diplômé de l’École de guerre de Paris, se positionne comme le nouvel homme fort de la lutte antiterroriste.
Insécurité djihadiste grandissante
Tout comme au Mali les djihadistes sont de plus en plus actifs au Burkina Faso. Face à un vide étatique dans ces régions peu peuplées et très étendues, des groupes terroristes et des trafiquants de toutes sortes constellent aujourd’hui le Sahel. Ils font aussi régner l’insécurité au Niger, au Tchad, au Nigeria, au Soudan, à l’est de la Mauritanie, au sud de l’Algérie et de la Libye et au nord du Cameroun et du Sénégal.
L’incapacité des présidents élus face à cette menace à conduit à plusieurs coups de forces depuis 2020 : putsch au Mali, prise de pouvoir par le général Idriss Déby Itno au Tchad, coup d’État en Guinée et maintenant au Burkina Faso.
Au Burkina Faso l’expansion djihadiste a commencé à s’infiltrer au nord du pays en 2016. Mais c’est surtout à partir de 2020 que les violences ont explosé. Depuis le début de la crise, on compte aussi plus de 1,5 million de déplacés internes. En juin 2020, plus de 130 civils avaient été massacrés à Solhan, un village proche de la frontière avec le Niger. En novembre 2021, l’attaque du poste de gendarmerie d’Inata fait plus de 50 morts et souligne le manque criant de ressources des forces armées sur le terrain.
Une suite incertaine
Alors que le Burkina a été suspendu vendredi 28 janvier de la Communauté des États ouest-africains (Cédéao) qui pourrait décider d’imposer des sanctions, la junte au pouvoir se veut rassurante. Le lieutenant-colonel Damiba a réduit la durée du couvre-feu et entamé un dialogue avec les syndicalistes et le parlement. Pour la France, le coup d’Etat fragilise d’autant plus la force européenne Takuba, sensée prendre le relais de l’opération Barkhane, composée de moitié de soldats français. Reste à savoir si la junte se tournera vers la Russie comme l’a récemment fait le Mali.