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Départ de la MINUSMA : tournant critique pour les opérations de l’ONU ?

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Le départ de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) laisse présager un changement de paradigme au sein du maintien de la paix de l’ONU en Afrique, dans le contexte d’une coopération régionale fragilisée par l’isolement de l’Alliance pour le Sahel. 

La MINUSMA de l'ONU en mission au Mali
Un convoi des casques bleus de la MINUSMA au Mali

L’opération MINUSMA de l’ONU au Mali

En 2013, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) était lancée avec de grands espoirs de restaurer la paix et la sécurité dans un pays déchiré par les conflits internes. Après une décennie, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de mettre fin à cette mission dans une résolution de juin 2023. Les casques bleus ont ensuite quitté le Mali en décembre 2023. La fin de cette opération souligne un moment significatif pour les opérations de paix des Nations unies.

Les raisons du départ de la MINUSMA

Le retrait de la MINUSMA fait suite à la demande explicite du gouvernement malien, marquant une profonde rupture entre les attentes de l’État hôte et les objectifs de la mission de l’ONU. Cette décision est le point culminant d’un malaise croissant entre le pouvoir malien et les forces onusiennes. En effet, un rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies dénonçait notamment l’exécution de 500 personnes par l’armée malienne, tandis que Bamako accusait la MINUSMA d’espionnage. La crise de confiance s’était déjà intensifiée avec la perception d’une mission dérivant de son mandat initial vers un rôle de soutien à des opérations contre-terroristes, s’alignant parfois avec Barkhane dans une division de travail. Les critiques arguent également que dans la logique sécuritaire du Sahel, la lutte contre le terrorisme est devenue une condition préalable au développement de la région, occultant ainsi les autres aspects de la construction de la paix.

Le faible bilan de la MINUSMA

Le retrait de la MINUSMA soulève des questions sur l’efficacité et la pertinence des missions de paix face à des menaces asymétriques et des conflits persistants. Critiquée pour son soutien à la lutte contre le terrorisme, la MINUSMA s’est trouvée au cœur d’une controverse sur sa capacité à maintenir la neutralité. Ce départ interroge également sur l’avenir de la stabilité au Mali, où l’armée, renforcée par le soutien de partenaires tels que la Russie, doit désormais faire face seule à des défis sécuritaires immenses. De manière générale, la mission a difficilement montré son efficacité dans l’accomplissement de son mandat de protection des civils, et a été marquée par des scandales de violences sexistes et sexuelles, sapant sa légitimité et sa capacité à stabiliser la région.

L’isolement de l’Alliance des Etats du Sahel

Le contexte régional autour du Mali, en particulier l’isolement des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso) suite à l’annonce de leur sortie de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ajoute une couche de complexité à la dynamique sécuritaire dans la région. L’Alliance des États du Sahel représente une tentative de ces États de se défendre contre une ingérence étrangère, mais aussi de s’affirmer dans un combat commun contre le terrorisme. Cet isolement international soulève des questions sur la coordination future et l’efficacité des efforts du maintien de la paix sans le soutien d’une mission de paix de l’ONU et dans le contexte d’une coopération régionale fragilisée.

L’avenir des opérations de paix de l’ONU

Le départ de la MINUSMA du Mali représente un moment charnière pour les missions de paix de l’ONU, confrontées au défi de s’adapter à des environnements de conflit de plus en plus complexes. Alors que le Mali s’efforce de naviguer dans une nouvelle ère de souveraineté et de sécurité renforcée, les Nations unies cherchent à redéfinir leur approche en matière de maintien de la paix. Le départ progressif de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO) renforce également cette nécessité d’un changement d’approche pour les missions de la paix. L’ONU semblent aujourd’hui se tourner vers le paradigme des « solutions africaines aux problèmes africains », en engageant davantage sa coopération avec l’Union africaine pour la stabilité du continent, dans une ère de redéfinition du maintien de la paix.

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Matthias Rétel

Diplomé de King's College London en Relations Internationales et de Science Po Grenoble en Études européennes, Matthias Rétel travaille actuellement en tant qu'assistant de recherche au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP).

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