Comprendre la croissance du terrorisme : l’exemple du djihadisme au Mozambique
La stratégie djihadiste n’est pas hasardeuse, elle s’exprime par différents facteurs tels que : d’un moyen doctrinal, la pauvreté et les luttes sociales[1], d’une finalité économique, par les sites géographiques à taux élevé de rentabilité et notamment les régions convoitées pour leurs richesses naturelles[2]. Le terrorisme apparaît donc avoir une démarche logique dans sa conquête.
Zone géographique instable et pauvre, zone parfaite pour l’implantation terroriste.
Le Mozambique est devenu un lieu stratégique pour le terrorisme qui recèle tous les condiments d’une zone instable et pauvre : passant d’une ancienne guerre civile (1977-1992), à un dissensus politique interne de 2013 à 2016 s’apparentant à une « crise politico-militaire » par des tensions menant à des conflits armés entre le gouvernement et le parti d’opposition[3]. Tensions qui se sont ensuite approfondies par des multiples attaques djihadistes depuis 2017[4] d’un mouvement apparu à la frontière Sud tanzanienne[5] depuis 2012 qui se sont ensuite agrégés aux groupes locaux comme Ansar Al Sunna, fondé en 2015, prenant pieds au Nord Mozambique. Ceux-ci ont favorisés la radicalisation des jeunes avant d’intenter de véritables mouvements menaçants la sécurité nationale sur fond de luttes sociales et de corruptions[6] ainsi que les différentes fraudes électorales dénoncées par l’Union européenne[7]. Par un taux élevé de chômage (25%), d’une forte population musulmane au nord de la province (58%)[8] et d’un contexte de pauvreté se classant comme l’un des 10 pays ayant le plus faible PIB par habitant du monde. La zone Nord du Mozambique présente donc tous les aspects naturels à l’implantation d’une présence djihadiste.
Mais cette menace croissante n’a pas comme source première un mouvement réactionnaire dû à la volonté des différents projets de développement des hydrocarbures. Ce n’est qu’un moyen de pouvoir légitimer la radicalisation dans un contexte de lutte anticoloniale du fait de l’implantation d’entreprises étrangères de l’exploitation des ressources naturelles depuis quelques années comme le projet Total en 2020 qui se voit être ralentit par le défi sécuritaire.
Zone géographique à forte potentialité économique, sujet à accroissement de l’intérêt terroriste.
Alors que le groupe terroriste se finançait au départ par le trafic de bois, de rubis et de drogue[9] ; les infrastructures d’exploitation des ressources naturelles sont devenues le point clé des insurrections au Mozambique, qui serait qualifié comme l’une des plus grosses réserves de gaz d’Afrique. En effet, Total ayant vocation à s’implanter par un investissement de 20 milliards de dollars, l’instabilité de la région est l’obstacle majeur à la réalisation du projet qui aurait pu avoir des conséquences économiques favorisants le développement de la région. En effet, il apparaît que 60% des revenus globaux de l’Etat islamique seraient issus des ressources naturelles[10]. Par exemple, le contrôle des gisements de gaz naturel en Irak et en Syrie ont été des atouts non négligeables au développement économique de l’organisation. Par conséquent, pouvoir contrôler une région ayant un potentiel économique évalué à une rentabilité de 60milliards de dollars, relève d’une nécessité au développement économique de l’organisation.
L’absence de contestation effective du terrorisme, conséquence de sa montée en puissance.
Lorsque le virus terroriste s’installe, il ne faut pas tarder à le déloger, et plus l’attente est longue, plus il est difficile de pouvoir le contester. En effet, l’enclave pilotée par Daech s’est installée discrètement et n’a reçue aucune opposition avant de devenir une réelle menace prenant possession notamment en août 2020 d’une ville portuaire importante riche en gaz[11]. Le djihadisme qualifié par le passé par le gouvernement comme du simple « banditisme » malgré les alertes préalables de l’évolution de l’instabilité de la région depuis 2017, il aura donc fallu trois ans pour le gouvernement de reconnaître l’existence d’une menace terroriste qui aurait pu être neutralisée à sa racine.
C’est ainsi que le gouvernement demande le soutien de l’Union européenne pour contester la présence de Daech. En effet, par principe de souveraineté, l’ingérence militaire d’une puissance étrangère se légalise sur fond d’un accord bilatéral entre les deux nations en vue d’une coopération militaire. Par exemple, les Etats-Unis doivent obtenir l’accord préalable du président[12] pour mettre fin au conflit qui s’insère dans le contexte d’appel de la communauté internationale lancée par l’ONU qualifiant la situation de « désespérée »[13].
[1] https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/terrorisme-en-afrique-australe-les-jihadistes-renforcent-leur-emprise-sur-le-mozambique_4080015.html
[2] https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/gaz-mozambique-une-evolution-economique-risque
[3] https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2017-1-page-153.htm
[6] https://foreignpolicy.com/2020/03/07/mozambique-is-a-failed-state-the-west-isnt-helping-it/
[8] https://jamestown.org/program/evaluating-the-expansion-of-global-jihadist-movements-in-mozambique/
[10] https://jeunes-ihedn.org/wp-content/uploads/2019/05/CCEI_CR3_JCBRISARD.pdf
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