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DARPA, le cerveau de l’armée américaine

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Arlington, Virginie, États-Unis. S’y trouve le siège de la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), l’agence du Département de la Défense des États-Unis, chargée de conduire la recherche technologique pour l’armée américaine. Cet organe militaire joue depuis plus d’un demi-siècle un rôle décisif quant au maintien du leadership technologique états-unien. La première puissance mondiale doit en partie son hégémonie sur le monde à son avance dans les secteurs clés de la haute technologie, de l’informatique, la robotique, la physique, la chimie ou encore la médecine. La DARPA, véritable tour de contrôle de la recherche outre-Atlantique, engage et pilote les programmes les plus innovants au monde. En termes de stratégie, c’est elle qui conduit la « surprise technologique » à l’échelle globale.

La DARPA est le produit de la course aux armements et de la compétition technologique qui opposèrent les États-Unis à l’URSS durant la Guerre froide. Elle est créée en réponse au lancement du Spoutnik par l’Union soviétique en 1957 ; événement qui fut un signal d’alarme à la Maison Blanche. Dès février 1958, l’ARPA (son ancien nom) était née. Le monde entier doit à cette petite agence (environ 210 fonctionnaires aujourd’hui) des innovations notables qui ont révolutionné notre quotidien : l’ARPANET est ainsi l’ancêtre d’Internet, le programme Transit constitue le précurseur du GPS ou encore les drones.

De nos jours, la DARPA évolue dans un contexte difficile marqué par une double tendance. D’une part, elle doit désormais considérer que le monde s’inscrit dans une mutation globale qui se caractérise par le déclin relatif des États-Unis, son rattrapage par les pays émergents (Chine en tête) ainsi que la naissance et la multiplication de nouvelles menaces. D’autre part, elle pâtit des coupes budgétaires qui affectent la défense américaine. La DARPA doit donc continuer à piloter l’innovation américaine tout en faisant face aux incertitudes sécuritaires et fiscales.

La DARPA est une entité de décision et d’orientation. Dotée d’un budget conséquent (presque 3 milliards de dollars par an), elle supervise, coordonne et finance des programmes de recherche. Pour exécuter les travaux nécessaires, elle tisse des partenariats avec des sous-traitants : laboratoires, universités et entreprises américaines qui peuvent développer ensuite des applications civiles et commerciales à partir des technologies à usage militaire.

Les programmes élaborés par la DARPA lui permettent de répondre à certains objectifs cruciaux. La sécurité nationale américaine demeure l’impératif suprême. La DARPA doit également s’assurer du maintien de l’avance et de la suprématie américaines dans le domaine de la recherche et des technologies de pointe, appliquées à la res militaris. Elle veille à conserver l’initiative, à fixer l’ordre du jour en matière de R&D. En pionnière, elle cherche constamment à repousser la « frontière technologique ». En outre, il s’agit d’une entité suffisamment souple et réactive pour pouvoir anticiper, répondre ou contrer rapidement les innovations étrangères avant de les surclasser.

Constatons maintenant quelques exemples des projets en cours, conduits par la DARPA. En matière de robotique, l’agence américaine est au cœur du développement des meilleurs drones du monde. Elle est d’ailleurs à l’initiative du DARPA Robotics Challenge : une compétition internationale de robotique. Elle développe également des exosquelettes (projet XOS) ainsi que l’armure Talos (inspirée d’Iron Man) munie d’un fluide pare-balles se solidifiant en quelques millisecondes lors d’un choc. Talos représente l’avenir de l’équipement des unités spéciales américaines. En intelligence artificielle maintenant, la DARPA participe à la BRAIN Initiative lancée par l’administration Obama en 2013 afin de contrer son équivalent européen : le Human Brain Project. Ce défi est titanesque puisqu’il consiste à reproduire l’activité du cerveau humain sur un superordinateur. Notons aussi le programme Z-Man qui comprend la fabrication d’un matériau permettant à un soldat d’escalader une paroi verticale sans prises, à la manière d’un gecko.

Somme toute, les innovations et programmes de la DARPA dépassent le cadre de la stratégie militaire et sont susceptibles d’avoir des prolongements et donc des conséquences révolutionnaires sur la société. Ce fut le cas pour Internet. Dans le domaine de la médecine notamment, les attentes sont immenses. Les bouleversements qui résultent de ces avancées technologiques sont tels que les projets de la DARPA s’inscrivent dans un large débat stratégique auquel la société américaine est conviée. Le cinéma américain (Matrix, I, Robot, Her, Transcendance)participe manifestement à l’ouverture de ce dialogue en proposant une mise en image dramatisée des effets du progrès technologique et du besoin impératif d’un encadrement efficace.

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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