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Le nouvel or blanc ? Les enjeux de l’exploitation du lithium en Bolivie

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Marquée par la pauvreté malgré ses immenses richesses minières, la Bolivie voit dans le lithium un nouvel or blanc dont l’exploitation et les retombées économiques tardent à se faire ressentir.

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Localisation du « triangle du lithium » entre l’Argentine, la Bolivie et le Chili

Le lithium est un métal à forte intensité énergétique ce qui en fait l’un des plus recherchés pour les technologies de pointe : il est notamment utilisé dans la fabrication de batteries pour voitures électriques, smartphones et ordinateurs portables. Avec une meilleure puissance et une durée de vie plus longue que les batteries classiques, les batteries au lithium pourraient devenir incontournables. Le marché mondial est en forte hausse et devrait dépasser les 30 milliards de dollars en 2020. Le lithium est perçu comme une ressource majeure pour les décennies à venir : ces dernières années, son cours a d’ailleurs été multiplié par dix. L’approvisionnement de ce métal est donc devenu un enjeu économique stratégique avec la crise écologique et la recherche d’énergies alternatives au pétrole.

L’existence d’un « triangle du lithium » entre l’Argentine, la Bolivie et le Chili suscite un fort intérêt des entreprises transnationales. En outre, le président bolivien Evo Morales avait annoncé il y a plusieurs années que la Bolivie possédait le plus grand gisement mondial de lithium sous le salar d’Uyuni au sud du pays. La Bolivie a depuis toujours connu une économie dépendante de l’exploitation de ses nombreuses réserves minières (étain, fer, argent notamment) et d’hydrocarbures (gaz, pétrole) par des compagnies étrangères : entre 70 et 75% de ces ressources sont en effet destinées à l’exportation. La guerre du gaz en 2003 et le discours de nationalisation économique du président Morales depuis son élection en 2005 ont illustré la volonté du pays de se réapproprier ses richesses. Ainsi, l’État bolivien a notamment renégocié avec les compagnies étrangères quant-à l’exploitation des hydrocarbures, se réappropriant la majorité des revenus engendrés.

Opportunité de développement ou mirage économique ?

Cette reprise en main des bénéfices énergétiques boliviens influe aujourd’hui sur les enjeux liés à la nouvelle exploitation du lithium : Evo Morales déclare cette ressource comme étant une « une grande cause nationale ». La Bolivie souhaite garder le contrôle du développement d’une filière industrielle et laisserait aux entreprises étrangères le droit d’investir et d’effectuer des transferts de technologie. En effet, la Bolivie ne possède pas encore l’expérience et la technologie nécessaire à l’exploitation industrielle du lithium, elle a donc besoin d’importer de la technologie étrangère. Si le pays n’arrive pas à trouver un accord avec certaines entreprises, l’ensemble du projet pourrait s’effondrer, puisque pour l’instant malgré l’immense quantité de ressources disponibles, l’exploitation du lithium demeure au stade embryonnaire. Le gouvernement bolivien a investi environ 6 millions d’euros pour construire une usine pilote de l’extraction du lithium, mais les quantités exploitées demeures extrêmement faibles (environ dix tonnes par an) malgré l’immense potentiel du site. Toutefois, si le pays arrive à élaborer une gestion stratégique de ses ressources, cela serait une opportunité unique pour la Bolivie de devenir une grande puissance régionale et d’assurer son développement : la Bolivie devra se montrer compétitive face au Chili et à l’Argentine qui possèdent respectivement les deuxième et troisième plus grandes réserves mondiales de lithium. Or, la Bolivie pourrait pâtir de son enclavement et continue d’entretenir des relations tendues avec ses voisins.

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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