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Élection de Pedro Pablo Kuczynski : le Pérou plus divisé que jamais

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Après une semaine d’incertitude, le dépouillement des votes a confirmé la victoire de Pedro Pablo Kuczynski lors du second tour des élections présidentielles du 5 juin face à Keiko Fujimori. Retour sur une campagne mouvementée, qui a illustré les profondes divisions du pays et l’érosion de la gauche sud-américaine.

A combination file photo shows Peru's presidential candidates (L-R) Keiko Fujimori after voting and Pedro Pablo Kuczynski arriving to vote, during the presidential election in Lima, Peru, in these April 10, 2016 file photos.  REUTERS/Mariana Bazo (L) and Guadalupe Pardo/Files
Keiko Fujimori et Pedro Pablo Kuczynski (Reuters)

Les élections générales ont été l’occasion pour le peuple péruvien de renouveler le Congrès et d’élire un nouveau président à la Maison de Pizarro pour remplacer Ollanta Humala. Élu en 2011 sur un programme de rupture avec le néo-libéralisme, Humala n’a pas réussi à résoudre les principaux que connaît le pays : pauvreté, cas de corruption, fortes disparités régionales, ainsi que le taux de délinquance le plus élevé d’Amérique du Sud accentué par le narcotrafic.

La campagne de premier tour s’était avérée extrêmement mouvementée, plusieurs candidats de premier plan étant exclus à quelques semaines de l’élection par la commission électorale. Le Pérou est depuis plusieurs années en proie à une crise des partis politiques : aucune formation, hormis celle de Keiko Fujimori (Fuerza Popular – FP ; conservateur) qui faisait figure de favorite du scrutin, n’est implantée sur l’ensemble du territoire. La fille de l’ancien président Alberto Fujimori – incarcéré depuis 2007 – pour crimes contre l’humanité et corruption – s’imposa en tête du premier tour avec 39,86% des voix. L’ancien premier ministre et économiste Pedro Pablo Kuczynski (Peruanos Por el Kambio – PPK ; libéral de centre-droit) arrivait en deuxième position avec 21,05% tandis que la gauche ne parvenait pas à se qualifier pour le second tour Perçu comme le candidat des milieux d’affaires et l’élite blanche de la capitale Lima, il a pourtant réussi à remonter son retard durant les huit semaines qui séparent les deux tours. Un mouvement antifujimoriste s’est rapidement mis en place, la plupart des candidats éliminés se ralliant à Kuczynski, sous la bannière « No a Keiko », de crainte que l’arrivée au pouvoir de la fille de l’ex-président déchu ne marque un nouveau cycle autoritaire. De plus, la candidate de la droite populiste a vu des proches être directement mis en cause pendant la campagne, notamment Joaquin Ramirez, par la DEA, l’agence de lutte contre la drogue aux États-Unis, pointant du doigt la narco-politique menée par plusieurs membres du Congrès.

Pedro Pablo Kuzcynski s’est imposé finalement avec à peine 41.000 voix d’avance – sur treize millions de votants – et 50,12% des suffrages, soit l’élection la plus serrée de l’histoire du pays. Le nouveau président devra affronter un Congrès hostile car contrairement à l’élection présidentielle, l’élection législative s’est faite en un tour unique, octroyant 73 des 130 sièges au parti fujimoriste contre 18 pour le PPK et 20 à la gauche. La nouvelle défaite présidentielle de Fuerza Popular ne marque donc par la disparition du fujimorisme, puisque le frère de Keiko, Kenji, a été largement réélu comme député. La proximité libérale entre le PPK et le FP devrait les mener suivre globalement la même ligne économique suivie depuis une vingtaine d’années : Kuczynski aura surtout la tâche de réunifier un pays profondément divisé.

Ces élections péruviennes confirment un mouvement d’affaiblissement de la gauche sur le continent alors qu’il y a quelques mois, neuf gouvernements du continent latino-américain étaient considérés comme progressistes. En effet, le succès de l’opposition aux dernières législatives au Venezuela, l’élection du libéral Mauricio Macri à la présidence de l’Argentine, la défaite référendaire d’Evo Morales en Bolivie ainsi que la procédure de destitution de Dilma Roussef au Brésil sont venus marquer l’érosion de la gauche au pouvoir.

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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