Guantánamo : boulet de la présidence Obama et marronnier des élections américaines
La prison de Guantánamo constitue un clivage au sein de la société américaine concernant l’appréhension de la lutte contre le terrorisme. La fermeture du centre de détention promise par Barack Obama lors de son élection n’aura pas lieu sous sa présidence et continuera à alimenter les débats entre Républicains et Démocrates pendant de nombreuses années.
Centre de détention le plus connu du monde, la prison de la baie de Guantánamo est située sur une base militaire à l’Est de l’île de Cuba qui est louée depuis 1903 par les États-Unis. Ouverte en 1994, elle sert de centre de détention de haute sécurité pour le gouvernement, où sont emprisonnés des individus capturés par l’armée lors d’interventions à l’étranger. En 2002, le Secrétaire à la Défense de George W. Bush, Donald Rumsfeld, avait décrit l’objectif du lieu comme étant de d’interroger et détenir des personnes considérées comme « exceptionnellement dangereuses » et de traduire en justice les criminels de guerre. Dans les faits, le choix de positionner cette prison hors des frontières nord-américaines releva du souhait de ne pas soumettre ces prisonniers au système judiciaire fédéral des Etats-Unis, en particulier dans le cadre de la lutte antiterroriste après les attaques du 11 septembre 2001. Ainsi, le site a été utilisé pour des détentions indéfinies sans procès, ce qui n’est pas sans poser des problèmes juridiques et moraux, justifiant la volonté d’une partie des politiques américains de fermer la base.
C’est dans ce contexte que Barack Obama avait promis durant sa campagne électorale de 2008 de mettre un terme à l’existence du centre de Guantánamo. Dès son arrivée à la Maison-Blanche il signa un décret visant à fermer la prison mais se heurta aux réticences du Congrès. Les accusations de tortures reviennent régulièrement sur le devant de la scène, notamment par la voix d’ONG internationales ou lors de la publication du rapport sur la torture exercée par la CIA après le 11 septembre. Malgré ces accusations, jamais au cours de ses huit années de mandat Barack Obama n’est parvenu à susciter un consensus politique concernant ce sujet. Aujourd’hui, à quelques mois de la fin de sa présidence et avec un Congrès à majorité Républicaine, il est plus qu’improbable que le président américain parvienne à tenir son engagement. D’ailleurs, en 2011, Obama signa un décret ordonnant la levée de la suspension des procès militaires et la détention provisoire illimitée de détenus soupçonnés de terrorisme. Toutefois, par ce même décret est née la possibilité pour certains détenus jugés sans risque d’être libérés.
L’impossible consensus entre Républicains et Démocrates ?
Pour les partisans de la fermeture du camp, la possibilité d’enfermer un détenu sans jugement et pour une durée infinie rompt le cadre juridique posé par la Constitution des États-Unis. Guantánamo constitue selon-eux un problème d’ordre moral et éthique dans la mesure où l’État ne peut se permettre d’enfermer arbitrairement des personnes dans l’opacité la plus totale. Concernant les partisans du maintien de la prison, leur argumentation se fonde sur la lutte à tout prix contre le terrorisme dans la lignée de ce qu’avait fait G.W. Bush et sur le refus de transférer ces prisonniers considérés comme extrêmement dangereux sur le sol américain. Les difficultés à renvoyer les prisonniers vers un pays tiers ne font que renforcer le statu quo jouant en faveur du maintien de Guantánamo. Il y a à ce jour 61 détenus, dont 31 qui n’ont pas été formellement inculpés pour quelconque crime et qui ne peuvent pas faire l’objet d’un jugement militaire ou d’une procédure de libération.
Concernant la campagne électorale de 2016, ce clivage se retrouve au travers des propositions des deux candidats à la présidence des États-Unis. Le candidat Républicain Donald Trump souhaite incarcérer davantage de personnes à Guantánamo s’il parvient à être élu, tandis que la Démocrate Hillary Clinton – ancienne Secrétaire d’État d’Obama – souhaite faire fermer la prison. Si la victoire de Clinton apparaît actuellement la plus probable, il est pourtant difficile de voir dans quelle mesure elle serait capable de réussir ce que Barack Obama n’est pas parvenu à faire en huit ans. Si une solution définitive n’est pas trouvée dans les mois à venir, il est à craindre que ce sujet ne devienne qu’une sorte de marronnier de la vie politique américaine …