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La Pologne fait un pas supplémentaire pour se libérer du gaz russe

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Alors que doit se tenir l’édition 2018 de la Conférence polonaise sur le Gaz Naturel Liquéfié (GNL), l’énergéticien national polonais PGNiG a signé une série de contrats pour assurer la livraison de GNL américain pendant les deux prochaines décennies. Cette orientation traduit la ferme volonté de la Pologne de se libérer de sa dépendance au gaz russe et, ainsi, d’affaiblir ce levier géopolitique. Tandis que l’Union européenne hésite sur la conduite à tenir à l’égard de Gazprom, les Etats-Unis se rêvent en nouvel acteur majeur sur le marché européen du gaz.

Première livraison de GNL américain à la Pologne en 2017

Depuis le mois d’octobre, PGNiG a signé, avec Venture Global LNG et Cheniere Marketing International, des contrats visant à pérenniser les livraisons de GNL sur une période de 24 ans s’étendant de 2019 à 2042. La Pologne, qui importe 89% de son gaz de Russie selon un contrat signé en 1996, espère ainsi ne plus dépendre du gaz russe à l’expiration de ce contrat, en 2022. Pour ce faire, Varsovie a décidé la construction d’un terminal de regazéification à Swinoujscie permettant de regazéifier le gaz transporté à l’état liquide (GNL) par des navires spécialisés. Financé par des fonds européens et terminé en 2015, ce terminal doit assurer 50% de la consommation de gaz polonaise.

Un recours au GNL facilité par des liens étroits avec les Etats-Unis

Pour Varsovie l’enjeu est incontestablement de taille. Traumatisée par l’histoire des ses relations avec la Russie, la Pologne cherche, à tout prix, à se libérer de toute dépendance à son égard. La facilité du transport par gazoduc, des prix abordables et la proximité géographique feraient de Gazprom, l’entreprise d’Etat assurant l’approvisionnement en gaz russe de l’Europe, le partenaire logique de la Pologne. Toutefois, le souvenir des menaces de Moscou d’interrompre les livraisons de gaz à l’Europe en 2006 et 2009 est encore dans tous les esprits. Dès 2009, PGNiG signait un contrat avec QatarGas pour la livraison de GNL, et promeut maintenant la construction d’un gazoduc permettant d’acheminer du gaz depuis la Norvège. Les Etats-Unis restent, cependant, le partenaire privilégié de Varsovie. Déjà très proche de Washington sur les questions géopolitiques et militaires, comme en témoigne son activisme au sein de l’OTAN, son achat de chasseurs américains F-16 et sa participation à la campagne d’Irak en 2003, la Pologne inscrit son action dans cette relation forte. La confiance de Varsovie dans la capacité de l’UE de négocier avec Moscou en position de force est, en effet, limitée. Le recours introduit suite à la décision de Bruxelles de ne pas poursuivre Gazprom pour abus de position dominante en mai dernier en est un indice supplémentaire.

L’Europe encore indécise 

La décision polonaise de se tourner vers un approvisionnement américain a confirmé les Etats-Unis dans leur volonté de se positionner comme le premier fournisseur en gaz du continent européen. Le secrétaire d’Etat à l’Energie, Rick Perry, a ainsi souligné l’importance de ces contrats pour la sécurité et la diversité des approvisionnements de l’Europe. Cette déclaration s’inscrit dans la rhétorique de Donald Trump, qui reproche régulièrement aux Européens de ne pas acheter suffisamment de GNL américain. Pourtant, les énergéticiens américains rechignaient jusqu’à présent à exporter du GNL vers l’Europe, du fait de prix spot (prix de marché payé pour le gaz) moins élevés qu’en Asie orientale (Japon & Corée du Sud). Certes, la Pologne et les Etats baltes, qui ont également construit des infrastructures capables d’accueillir du GNL, sont prêts à payer le prix d’une dépendance minimale au géant russe. On ne peut en dire autant des autres pays européens, pour lesquels le prix du gaz est clé, afin de satisfaire les consommateurs, entreprises comme particuliers. Si l’UE a pris des mesures pour renforcer sa capacité à avoir recours à des sources d’approvisionnement alternatives, l’objectif est, avant tout, de limiter les moyens de pression de Moscou à travers Gazprom. C’est l’objet de l’extension des gazoducs à double sens de flux pour approvisionner les Etats les plus vulnérables aux pressions russes et du soutien au financement de terminaux de regazéification.

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