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Colombie : le retour de la guérilla des FARC ? (1/2)

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Créées en 1964, les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie – Armée du Peuple (FARC-EP, Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia – Ejército del Pueblo en espagnol) était une guérilla communiste impliquée dans le conflit colombien jusqu’à la signature d’un accord de paix en 2016. Depuis, les guérilleros ont été démobilisés. Face à ce qu’il nomme l’inaction étatique dans la mise en œuvre des dispositions de l’accord, un ancien commandant a appelé au retour à la clandestinité et à la reprise des armes. Quelles sont les raisons de ce regain de violence ? Faut-il craindre le retour à l’insurrection généralisée ? Quel rôle le Venezuela joue-t-il dans la mobilisation des dissidents des FARC et de la dernière guérilla active, l’ELN ? Explications en deux volets.

En 2016, les FARC et le gouvernement proclamaient la signature d'un accord de paix.
En 2016, les FARC et le gouvernement proclamaient la paix en Colombie.

La guerre est finie”. C’est par ces mots qu’Humberto de la Calle, le chef négociateur du gouvernement, avait annoncé l’aboutissement des négociations pour la paix entre les Forces Armées révolutionnaires de Colombie et le gouvernement colombien le 26 septembre 2016. L’accord a mis un terme à une guerre qui a fait plus des 260 000 morts, 45 000 personnes disparues et 6,9 millions de déplacés.

Politique, justice transitionnelle et développement rural

Signé dans sa version définitive le 24 novembre 2016, l’accord de paix prévoyait plusieurs grands chapitres :

  • La démobilisation et le désarmement des FARC ;
  • La mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle avec la création d’une Juridiction spéciale pour la Paix (JEP) composée de magistrats exclusivement colombiens. Cette dernière est compétente pour juger des faits commis par 10 000 FARC et 2 000 agents des forces armées. Ce mécanisme devait permettre aux ex-guérilleros d’échapper à la prison, mais non à des peines restrictives de liberté. Les leaders des FARC devaient être condamnés à des peines allant de 5 à 8 ans dès lors qu’ils reconnaissaient leurs crimes. Selon les termes de l’accord, ces peines pouvaient être effectuées assigné à résidence, dans des espaces correspondant aux zones transitoires de normalisation ;
  • Le principe de la participation des FARC à la vie politique, avec la transformation du mouvement en parti politique. L’accord de la Havane prévoyait l’éligibilité des démobilisés au Congrès dès 2018. Dix sièges étaient en outre réservés de droit aux ex-FARC ;
  • L’éradication des cultures illicites. Les FARC avaient promis d’abandonner leurs activités illégales, et un programme de substitution des cultures de coca devait être mis en place. Par ailleurs, les FARC devaient restituer tous les biens issus des activités illicites de la guerre. Ils devaient également présenter un inventaire exhaustif devant la justice des responsabilités de chaque personne impliquée dans le trafic de drogue ;
  • Une politique de développement rural intégral, avec notamment la création d’un Fonds de distribution des terres et un plan visant à formaliser et sécuriser la petite propriété. La réforme agraire prévoyait la restitution des terres aux personnes déplacées, ou l’installation de services basiques en zones de conflit. Une plus grande protection des droits des propriétaires avait également été ajoutée dans la seconde version de l’accord.

Trois ans après, des espoirs déçus

Trois ans après les accords de La Havane, l’espoir de réconciliation nationale paraît loin et la paix demeure fragile. Les réformes promises par l’accord ont pris du retard et les résultats peinent à se faire sentir. Le Kroc Institute for International Peace Studies of University of Notre Dame (Etats-Unis) estime ainsi qu’un tiers des dispositions de l’accord n’a pas été mis en place, tandis que la mise en œuvre d’un autre tiers aurait tout juste commencé.

Le volet concernant le désarmement des FARC s’est achevé le 03 juillet 2017, sans rupture du cessez-le-feu. 7132 armes ont ainsi été restituées et plus de 13 000 guérilleros ont été démobilisés. Sous l’impulsion de Rodrigo Londoño, alias “Timochenko”, les FARC se sont transformées en parti politique. Le 31 août 2017, s’est ainsi créée la Force alternative révolutionnaire commune (Fuerza Alternativa Revolucionaria del Común), conservant le même sigle. 9 des 10 représentants des FARC occupent les sièges qui leur ont été dévolus dans les deux chambres du Congrès et participent aux travaux législatifs. Ils prendront également part aux élections départementales et locales d’octobre 2019.

Des zones rurales peu investies par l’État

Les critiques se concentrent sur deux volets de l’accord : la réforme agraire et la JEP. Malgré un plan national de développement sur quatre ans annoncé par Duque, avec l’octroi de 37 milliards de pesos pour renforcer la présence de l’État sur le territoire et favoriser la croissance des régions périphériques, ainsi qu’un plan dit de “Paix dans la légalité”, le développement économique et social des zones périphériques reste à la peine. L’État n’a pas investi la place laissée libre par le départ des FARC. Les zones rurales attendent toujours les écoles, les routes et autres infrastructures promises à la signature de l’accord.

Surtout, l’accord n’a pas permis de réintégrer efficacement les anciens FARC, qui se heurtent à l’hostilité d’une majorité de Colombiens. La société n’aurait réintégré que 10% des anciens combattants. 3000 anciens guérilleros sont toujours bloqués dans les “espaces territoriaux de formation et de réincorporation” (ETCR). Le gouvernement a prolongé 15 de ces 24 ETCR au-delà de leur terme, fixé au 15 août 2019.

La justice transitionnelle sous le feu des critiques

Le volet de la justice transitionnelle pose également problème. Iván Duque, l’actuel prédisent, a fait campagne en promettant des modifications plus favorables aux victimes. Le Centre démocratique, parti de Duque et d’Uribe, est très opposé à l’accord de paix. Il estime que les peines prononcées par la JEP étaient trop clémentes, avec des juges trop compatissants à l’égard des accusés. Duque aurait également souhaité revenir sur la présence des FARC au Congrès.

Par ailleurs, l’on reproche à la JEP son inefficacité et sa lenteur. Elle ne fonctionne que depuis mars 2018 et instruit actuellement sept affaires concernant 820 000 victimes. La réparation des victimes du conflit a aussi pris du retard. Le processus d’indemnisation, qui existe depuis 2011 est à la peine. Il n’a ainsi indemnisé que 11,2% des victimes recensées. Il est peu probable que la justice puisse traiter l’ensemble des dossiers avant l’expiration de la loi en 2021. De même, la Commission pour l’établissement de la Vérité, en fonctionnement depuis novembre 2018, et l’unité de recherche des personnes disparues n’ont pas atteint leur pleine efficacité.

Appel aux armes de dissidents des FARC

Dans une vidéo diffusée jeudi 29 août, d’anciens chefs de la guérilla des FARC ont annoncé qu’ils reprenaient les armes. “Nous annonçons au monde qu’a commencé la seconde Marquetalia [berceau de la rébellion marxiste en 1964] au nom du droit universel des peuples à se lever en armes face à l’oppression”, a déclaré Iván Márquez.

L’ancien numéro deux des FARC a déclaré la renaissance des FARC. Il a aussi annoncé la création d’un mouvement politique clandestin, le Mouvement Bolivarien pour la Nouvelle Colombie. Blâmant le gouvernement, il a dénoncé la “trahison par l’État des accords de La Havane”. Il a appelé à la “marche des pauvres, ignorés et méprisés de la Colombie vers la justice, qui brille dans les collines de l’avenir”. Les dissidents des FARC ont dit vouloir reprendre les armes pour défendre les principes révolutionnaires historiques des FARC. Ils ont ainsi repris le langage marxiste de la lutte des classes. Les dissidents de l’organisation compteraient sur près de 2 300 combattants rejetant le processus de paix lancé en 2017.

Le président Iván Duque a riposté en déclarant une offensive militaire contre le groupe dissident. L’armée a lancé le jour même un raid aérien, tuant 14 dissidents FARC. De même, elle aurait menée plus de quarante autres opérations en l’espace de quelques jours. De son côté, la Juridiction spéciale pour la paix a ordonné d’arrêter ces anciens chefs rebelles. “J’ai ordonné la création d’une unité spéciale afin de poursuivre ces criminels avec des capacités renforcées de renseignement, d’enquête et de mobilité sur tout le territoire colombien”, a déclaré le chef de l’État. La JEP a également enclenché une procédure pouvant aboutir à l’expulsion du processus de paix des ex-guérilleros remobilisés.

L’appel à reprendre les armes de la part d’Iván Márquez laisse craindre une nouvelle vague de violence en Colombie.

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Solène VIZIER

Solène Vizier est diplômée d’un Master 2 Etudes Stratégiques. Passionnée de géopolitique, ses domaines de spécialisation concernent les mondes hispanophone et russophone, le désarmement nucléaire et la géopolitique du sport. Elle est rédactrice aux Yeux du Monde depuis avril 2019.

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