Argentine : qu’en est-il des relations avec la Chine sous Javier Milei ?
Lors de sa campagne, le président de la République d’Argentine Javier Milei avait affirmé vouloir suspendre toutes relations avec la Chine, qualifiant les membres du régime de Pékin d’assassins. Toutefois, depuis son investiture le 10 décembre, la position et le ton de Javier Milei semblent plus nuancés.
« Il est vrai que je ne m’allierai pas aux communistes. Il est vrai que nous avons refusé de faire partie des BRICS. Mais nous avons toujours soutenu que le commerce ne devait pas être affecté parce qu’il s’agit fondamentalement d’une décision prise par des acteurs privés. Il est également vrai que je ne considère pas la Chine comme notre partenaire stratégique. Mais nous devons séparer les questions géopolitiques de nos questions commerciales. », voici les propos tenus par Javier Milei le 28 janvier lors d’une interview accordée au journal The Wall Street Journal. Une distinction entre les relations d’Etat à Etat et les échanges commerciaux cantonnés à la sphère privée qui dans les faits est difficile à respecter.
Javier Milei face aux réalités du pouvoir
Ce 12 janvier, Diana Mondino, la ministre des Affaires étrangères, s’est entretenue avec l’ambassadeur chinois en Argentine. Lors de cette réunion Diana Mondino a affirmé : « Il n’y a aucun doute de l’importance du commerce entre les deux pays, la Chine étant le deuxième partenaire commercial de l’Argentine, la deuxième destination de nos exportations et la première des importations dans le pays ». De fait, les relations commerciales entre l’Argentine et la Chine n’ont cessé de croitre ces dernières années. Ainsi, en 2022 la Chine occupait la deuxième place pour les exportations argentines (9 %) et la première place pour les importations (21,5 %). Rompre toutes les relations avec Pékin reviendrait donc à priver l’économie argentine de nombreuses ressources.
Au-delà des relations purement commerciales, la Chine représente une possibilité pour l’Argentine d’obtenir des investissements étrangers. L’intensification de ces relations s’est soldée en 2022 par l’entrée de l’Argentine dans l’initiative chinoise des « Nouvelles routes de la Soie ». L’objectif étant que la Chine investisse dans la construction de nouvelles infrastructures. Par exemple, Pékin finance depuis 2013 la construction de deux barrages dans la province de Santa Cruz. Ces derniers qui pourraient à eux seuls produire 5 % de l’énergie dont a besoin l’Argentine. Aussi, des accords ont été conclus afin que la Chine participe à la modernisation du réseau ferroviaire. Cela permettant de faciliter le transport des marchandises dans un pays de 2,780 millions de km2.
Les propos de Javier Milei lors de sa campagne faisaient craindre un coup d’arrêt de ces investissements chinois. Cependant, là encore, l’administration de Javier Milei se heurte aux réalités du pouvoir. Ainsi, lors de sa rencontre avec l’ambassadeur chinois, Diana Mondino a rappelé l’importance de la coopération financière entre les deux Etats.
« Ley Ómnibus », quel impact sur les relations sino-argentines ?
Néanmoins, l’adoption partielle ce 2 février du projet de loi « omnibus » pourrait impacter les relations sino-argentines, mais peut-être pas comme l’entend le président ultra-libéral. De fait, au sein des 600 articles de ce projet, figure la suppression de la loi foncière de 2011 pour les terres agricoles.
En 2011, le gouvernement de Cristina Kirchner décide de mettre en place cette loi à la suite d’une affaire avec le groupe chinois Beidahuang International Trade Group. A cette époque, le groupe chinois avait signé un accord avec les représentants de la province de Rio Negro, engendrant la vente de plus de 325 000 hectares de terres agricoles. En plus, il était prévu que la multinationale investisse 500 millions de dollars pour moderniser le port de San Antonio-Este. En contrepartie, le groupe chinois obtenait le droit d’usage de ce port pour les 50 années suivantes. Cet accord aurait permis à la Chine d’exploiter des terres et d’exporter les ressources sans débourser un centime à l’Etat Argentin.
Cette loi visait donc à réduire l’appétit des multinationales étrangères pour les terres fertiles du pays, ne leur permettant de ne posséder que 1000 hectares. En 2016, le président Mauricio Macri, avait déjà assoupli les normes de cette loi. Javier Milei, qui s’est allié avec ce dernier, poursuit donc dans cette dynamique. En plus d’un impact social certain, les producteurs argentins seront en compétition avec des multinationales pour acquérir des terres agricoles, cela pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’économie.
Un démantèlement de l’Etat au profit des multinationales chinoises?
Ainsi, même si la politique étrangère menée par le gouvernement de Javier Milei semble être plus nuancée que prévue, les récents changements à l’échelle nationale pourraient impacter les relations sino-argentines. La démantèlement de l’Etat entrainé par la loi omnibus, va ouvrir les portes de l’Argentine aux multinationales chinoises. Des multinationales qui répondent à des directives émanant du régime de Pékin. Face à ce constat, nous pouvons questionner la ligne de Javier Milei qui vise à restreindre les relations avec la Chine à la sphère privée. Pour l’heure dans le pays, les manifestations se poursuivent et le mot d’ordre reste le même : « La Patria no se vende« , (« La patrie n’est pas à vendre »).