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UE-Mercosur : un accord enterré pour de bon ?

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En visite en Argentine, le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a confirmé la position française concernant l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur : « Enfin, nous avons pu évoquer le projet d’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Vous connaissez la position de la France. La France est opposée à le signer en l’état parce qu’il ne répond plus aux exigences de notre temps ». Une position française qui vient s’ajouter à d’autres difficultés qui ralentissent la signature de l’accord. 

Stéphane Séjourné et Diana Mondino conférence de presse
Stéphane Séjourné et Diana Mondino, conférence de presse, février 2024.

Des négociations qui s’éternisent

La volonté de signer un accord de libre-échange entre les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay et Bolivie) et l’Union européenne ne date pas d’hier. Le but étant de supprimer les barrières tarifaires afin d’intensifier les échanges dans une zone regroupant 780 millions de consommateurs. Alors que l’idée émerge dès 1999, il faut attendre 2019 pour trouver un premier accord provisoire. Mais depuis cette date les négociations patinent et l’accord n’est toujours pas effectif.

En décembre dernier, de nouvelles discussions ont eu lieu. Celles-ci étaient menées par le Brésil, qui avait la présidence du bloc latino-américain, et par l’Espagne qui présidait le Conseil de l’Union européenne. L’objectif commun des deux Etats étaient d’aboutir à la signature d’un accord avant 2024. Toutefois, la France, tout comme l’Argentine, ont rejeté l’accord. La France a justifié son choix en mettant en avant des raisons écologiques. Alberto Fernandez, quant à lui, se trouvait dans une situation délicate sur le plan national. Effectivement, il vivait ses derniers jours à la tête du pays avant l’investiture de Javier Milei.

Un accord de plus en plus contesté

Des négociations à l’arrêt et un projet qui cristallise les mécontentements au sein de l’Union européenne.  Ces dernières semaines, de nombreux agriculteurs européens ont pointé du doigt cet accord. Selon eux, la suppression progressive des barrières à l’échange aboutirait à la mise en place d’une compétition déloyale. De fait, cela les mettrait en concurrence avec de grands exploitants sud-américains qui produisent grâce à une agriculture super intensive.

Ainsi, l’accord prévoit le retrait des taxes douanières pour 45 000 tonnes de miel, 60 000 tonnes de riz, 180 000 tonnes de sucre ou encore 99 000 tonnes de viandes de bœuf et 180 000 tonnes de volailles. Rappelons également que les règles qui encadrent la production agricole ne sont pas les mêmes au sein des Etats du Mercosur. L’Argentine et le Brésil utilisent massivement les pesticides et la production agricole via les OGM est autorisée. De même, un tel accord reviendrait à encourager la déforestation au profit de la production agricole dans ces pays.

Un accord qui révèle les divergences au sein du bloc européen

En Europe, l’Espagne et l’Allemagne sont les fervent défenseurs de cet accord. L’Espagne, pour des raisons historiques, cherche à se positionner comme leader en vue d’un accroissement des relations avec les Etats de la région. Du côté de Berlin, l’objectif est d’accéder à de nouveaux marchés et soutenir l’industrie du pays.

Au sein du bloc latino-américain, après les divergences c’est aujourd’hui l’impatience qui prédomine. Alors que Javier Milei avait affirmé vouloir sortir l’Argentine du Mercosur, sa ministre des Affaires étrangères, Diana Mondino a soutenu l’accord. Elle a même invité l’ancien président Alberto Fernandez à signer le pacte lors des négociations en décembre avant l’arrivée au pouvoir de Javier Milei. Pour cette dernière, l’accord proposé à cette date s’inscrivait dans la volonté de toujours plus libéraliser l’économie et les échanges.

Récemment, le ministre des Affaires étrangères du Paraguay, Rubén Ramírez, a confirmé que les négociations resteraient au point mort tant que les élections européennes de juin ne seraient pas passées. C’est dans ce contexte que les autorités du Paraguay, qui président depuis janvier 2024 le Mercosur, ont affirmé vouloir avancer sur d’autres dossiers. Ainsi, les Etats sud-américains pourraient dans les prochains mois signer des accords commerciaux avec le Japon, l’Arabie saoudite ou encore les Emirats arabes unis.

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Camille Sansberro

Camille Sansberro est diplômée d'un Master 2 en Géopolitique et Prospective à l'IRIS Sup. Résidant en Argentine, elle est spécialiste de l'Amérique Latine.

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