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Retour sur l’indépendance de l’Amérique Centrale

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Bien loin d’une indépendance unique et singulière, cinq pays d’Amérique centrale partagent le fondement de leur histoire nationale. Le 15 septembre 1821, en effet, le Costa Rica, El Salvador, le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua sortaient officiellement du joug colonial espagnol. Anecdote de l’histoire, les Costaricains n’auraient ouï dire de cette indépendance qu’un mois plus tard

Retour sur l'indépendance de l’Amérique Centrale
Défilé de la Liberté, le 15 septembre 2010 à Izabal, Guatemala.

L’étincelle de l’indépendance 

Ces cinq provinces étaient alors administrées au sein d’une même subdivision de l’Espagne, appelée la Capitanía de Guatemala. Guatemala City y représentait l’autorité coloniale. Le pouvoir politique, cependant, fut majoritairement décentralisé dans les provinces. Délaissé par l’Espagne qui n’y voyait que peu d’intérêt économique, le réseau commercial intra-régional n’y fut que peu travaillé. En effet, l’indigo était alors la seule denrée dont l’export paraissait profitable. 

Les rêves d’indépendance prirent racine à l’aube des conquêtes napoléoniennes. En 1808, l’empereur français remplaça le roi Ferdinand VII par son propre frère, Joseph Bonaparte, à la tête du Royaume d’Espagne. Ce dernier ne conquit pourtant pas le cœur du peuple espagnol, qui lui offrit sa résistance. En 1810 une Cortes (l’équivalent du parlement espagnol) s’établit ainsi en opposition. Se proclamant seule représentante légitime du peuple espagnol, elle promulgua la Constitution de Cádiz en 1812. Libéral de nature, ce texte instaura la réduction des pouvoirs du roi, de la noblesse et de l’Eglise. Il fut rejeté par le roi Ferdinand VII dès son retour au trône en 1814. Cette constitution, bien que non établie avant son rejet en Amérique Centrale, inquiéta fortement les élites. 

Chemin vers l’indépendance  

La constitution fut réadoptée en 1820. Elle installa le principe de liberté d’expression, que les élites usèrent à leur avantage. Partout dans les journaux pouvait-on lire le désir croissant de l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. La déclaration d’un plan d’indépendance pour la Nouvelle Espagne (aujourd’hui le Mexique), et la signature du traité de ​Córdoba, le 24 février 1821, ne firent qu’approfondir cette tendance. L’idée de rejoindre l’Empire mexicain, planifié par Agustín de Iturbide, se propagea. 

Simultanément, le pouvoir espagnol s’affaiblissait plus au sud face aux campagnes de Simón Bolívar et de José de San Martín. C’est l’annonce de la sécession de la région des Chiapas, le 13 septembre 1821, et son union à l’Empire Mexicain, qui porta le coup de grâce. La nouvelle déclencha la révolte du peuple et des demandes de réunion avec l’assemblée provinciale. Le 15 septembre, Gabino Gaínza, capitaine général de la Capitanía de Guatemala, signait la déclaration d’indépendance au sein même de cette assemblée. 

De colonie à fédération en passant par l’empire

L’indépendance ne signa cependant pas la dissolution d’un projet politique commun. En 1822, à la suite d’un vote du gouvernement provisoire de Gabino Gaínza, les cinq pays rejoignaient ainsi l’Empire mexicain. L’Empire d’Agustín de Iturbide prit néanmoins fin rapidement. Il fut aboli à la suite de l’abdication de l’empereur, en 1823. Les cinq pays se séparèrent ainsi du Mexique. Ils laissèrent derrière eux la province de Chiapas, aujourd’hui toujours unie au pays. 

Une nouvelle expérience commune s’entama alors. Le 22 novembre 1824, les cinq pays adoptèrent une nouvelle constitution commune. Ainsi naquit la République fédérale d’Amérique centrale. Cette dernière ne vivra que quelques années. Le Costa Rica, le Honduras et le Nicaragua font sécession en 1838, le Guatemala en 1839 et El Salvador en 1841. De multiples raisons sont évoquées quant à l’explication de cet échec politique. Le manque d’expérience gouvernementale, de trésorerie ou de volonté politique en sont des exemples. Depuis lors, chaque pays se développe individuellement. 

Indépendance : vers la libération des femmes et des personnes d’ascendance africaine

Selon Frederica Morelli, cette période vit également la transformation de la place des femmes et des personnes d’ascendance africaine (esclaves ou libres) sur la scène politique du continent. Cette métamorphose débute tout d’abord à la fin de l’ère coloniale. C’est en cette période, que ces groupes entament la redéfinition de leurs catégories sociales au travers de recours légaux, et plus tard, de leur participation dans les guerres d’indépendance.

Non reconnues comme citoyennes sous la constitution de 1812, les femmes augmentent leur usage des tribunaux à l’aube de l’indépendance. Ce faisant, elles ouvrent “des espaces de participation politique impensables avant la rupture avec l’Espagne.” Elles usent d’un langage spécifique, prônant l’égalité, la liberté et le “droit naturel” dans un but de défense de leurs droits individuels. Se comparant au statut d’esclave, elles arborent les mots « tyrannie », « despotisme » et « déshumanité » pour décrire leur situation. Elles obtiennent, de fait, le droit légal à la séparation, au divorce et à la pension. 

 

Sources

Kenyon, Gordon. “Gabino Gainza and Central America’s Independence from Spain.” The Americas, vol. 13, no. 3, Cambridge University Press, 1957, pp. 241–54, https://doi.org/10.2307/978946.

Weeks, John. “An Interpretation of the Central American Crisis.” Latin American Research Review, vol. 21, no. 3, Latin American Studies Association, 1986, pp. 31–53, http://www.jstor.org/stable/2503446.

Smith, Robert S. “Financing the Central American Federation, 1821-1838.” The Hispanic American Historical Review, vol. 43, no. 4, Duke University Press, 1963, pp. 483–510, https://doi.org/10.2307/2509898.

200 ans d’Amérique centrale, Ministère des Affaires Etrangères, Allemagne

Morelli, Federica. « Repenser la citoyenneté. Race et genre dans les révolutions hispano-américaines », Clio. Femmes, Genre, Histoire, vol. 53, no. 1, 2021, pp. 127-149.

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Gabrielle FRANCK

Gabrielle FRANCK est étudiante de niveau master, poursuivant un double diplôme «International Relations and Politics and Public Administration» dans les universités partenaires Charles (Prague) et Konstanz (Allemagne).

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