La crise a programmé la chute du gouvernement en Chine, sans révolution.
Submergé par le torrent de la crise, les nations mondiales cherchent de nouveaux modèles pour survivre. C’est également le cas de l’ex-futur plus grande puissance économique mondiale. Depuis des mois, la Chine a quitté la scène internationale pour n’y apparaître que par intermittence. Sur la Syrie, la Russie occupe le devant de la scène. Sur la Lybie, elle n’a osé rien dire. Sur le Soudan, elle apparaît actrice alors qu’elle n’est qu’attentiste. Sur la crise européenne, tout le monde attend son aide : en vain. Les raisons de ce silence assourdissant proviennent de la fragilité de son modèle économique. A trop danser sur le crêt, la Chine fixe désormais le précipice. Il y a bien longtemps, en 2010, sa croissance culminait à près de 11% alors qu’aujourd’hui, l’inéluctable chute de son taux de croissance (8%) instille dans les esprits de la nomenklatura chinoise la vertu à la mode : le changement. Pour qu’il ne soit pas politique, ce changement ne peut être qu’économique.
Rappelons nous que, sur ce marché de plus d’un milliard de travailleurs, il faut chaque année 8% de croissance pour absorber les jeunes chinois fraîchement arrivés sur le marché du travail. Le chômage, c’est en Chine l’assurance d’une révolution politique. Ce n’est pas un trop plein de croissance mais un manque de croissance qui poussera les jeunes chinois à se rebeller et à renverser le pouvoir pékinois. Aujourd’hui, le gouvernement, en pleine transition, le sait et entame son ultime lutte pour sa survie : changer une nouvelle fois de modèle, pour une croissance plus stable, pérenne, quitte à sacrifier la puissance géopolitique sur l’autel de la puissance politique.
Car revenir sur son modèle exportateur revient à remettre en cause sa puissance économique acquise au gré du vent diplomatique des dix dernières années, par l’accumulation de liquidités et le réinvestissement vers des matières premières dont ils manquent cruellement, vers des entreprises américaines ou européennes qu’ils veulent dominer, vers des gouvernements dont ils veulent maîtriser la destinée. Et contre le modèle exportateur la Chine rêve d’un modèle consommateur.
Cette crise économique en Chine se manifeste par la chute des exportations (ralentissement du commerce mondial et des carnets de commandes américains et européens) et à la chute des investissements corrélée à la chute de l’activité industrielle. L’industrie chinoise, ou plutôt l’industrie européenne et américaine en Chine, souffre de l’augmentation exponentielle des coûts salariaux due à la décision du gouvernement central du début d’année : l’augmentation du salaire minimum pour stimuler la consommation et donc pérenniser la croissance. La compétitivité chinoise diminue pour les produits bas de gamme. Les entreprises européennes décident de délocaliser la production chinoise ailleurs en Asie (au Viêt Nam) voire en Chine intérieure, quitte à souffrir de l’instabilité politique due au passeport national (le hukou) ou du manque d’infrastructures.
Mais le rêve du gouvernement échoue : les chinois vieillissants épargnent en prévision de leur retraite, contre l’insuffisance de protection sociale, et l’inflation ronge les bénéfices des hausses de salaire. La Chine se trouve également dans l’impasse de la crise et le régime politique tremble.