Échec de l’opposition à Singapour face au Parti d’action populaire
En quête d’un renouvellement de légitimité le Premier ministre singapourien, Lee Hsien Loong, a dissolu le Parlement le 25 août 2015. L’électorat de la cité-Etat a donc été appelé aux urnes le 11 septembre, afin d’élire de nouveaux députés. Le parti au pouvoir, le Parti d’action populaire (People’s Action Party, PAP) partait grand favori, mais l’opposition espérait tirer son épingle du jeu.
Les résultats du scrutin ont été sans appel. Le PAP, parti du Premier ministre, a remporté 83 sièges (69,96% des suffrages exprimés) sur les 89 remis en jeu. Ces élections ont donc été un échec cuisant pour la principale formation d’opposition, le Parti des travailleurs (Wokers’ Party, WP), qui a empoché les 6 sièges restants (12,48%). Le but qui était d’organiser une opposition viable au sein du Parlement n’est pas atteint. Ainsi et comme le souhaitait Lee Hsien Loong, le PAP a largement consolidé sa place. Même si le vote est obligatoire à Singapour, on peut noter que la participation a quand même été de 93,56%, renforçant davantage la légitimité du PAP.
Malgré l’emprise historique que possède le PAP sur les institutions de Singapour, les leaders de l’opposition, tels que Low Thia Khiang (Secrétaire général du WP), avaient de bonnes raisons d’espérer un bilan plus favorable, ainsi que d’espérer obtenir plus de poids sur la scène politique. Tout d’abord, parce que les partis d’opposition avaient pour la première fois présenté des candidats dans chacune des 29 circonscriptions du pays. Tous les sièges ont été disputés, soit par deux, soit par trois formations politiques. Cette nouveauté a donné à l’opposition plus de visibilité, et a augmenté ses chances de gagner des élus. De plus, le PAP avait connu de légers revers lors des précédentes élections législatives. En effet, il avait connu une première chute en 2006 en récoltant seulement 67% des suffrages exprimés. Cette baisse s’était confirmée en 2011, scrutin durant lequel (seulement) 60,14% des votants l’avaient choisi. En somme, le PAP a réalisé vendredi dernier son meilleur score depuis 2001.
Comment expliquer cette recrudescence de popularité pour le PAP ?
Le Premier ministre a donc réussi un tour de maître en choisissant de dissoudre l’assemblée parlementaire, plutôt que d’attendre l’échéance des mandats, prévue pour 2016. Il est parvenu en quelque sorte à « surfer » sur la vague de l’émotion provoquée par le décès de son père, Lee Kuan Yew, le 23 mars 2015. Il est véritablement considéré comme le père de Singapour tel que le monde le connaît actuellement. Il a été Premier ministre pendant plus de trente ans (1959-1990). Trente années durant lesquelles il a fait de la cité-Etat une économie solide, et très attractive. De nombreux hommages lui ont été rendus, notamment lors de la fête de l’indépendance, le 9 août dernier. Cette exaltation de son souvenir a certainement aidé le PAP à donner un second souffle à sa popularité.
En outre, les singapouriens ont de nombreuses inquiétudes au sujet de l’économie de leur pays. La croissance ralentit : en 2015, elle ne devrait pas excéder 2,5%, alors qu’elle a été à deux chiffres depuis le début des années 2000. Les habitants ont également peur que le ralentissement de son voisin chinois ait un impact sur le pays. Ils ont vu la crise boursière qui a secoué la Chine d’un mauvais œil. Alors, les électeurs ont sans doute été convaincus par l’actuel gouvernement qui annonce des changements dans le modèle économique, mais surtout convaincus à nouveau par le PAP qui a quand même été à l’origine des heures les plus florissantes de l’histoire de Singapour. De plus, les autorités essayent d’apporter des réponses aux problématiques sociales qui sont souvent dénoncées par les opposants, tel que le blogueur Roy Ngerng. Ce dernier a d’ailleurs été battu lors des élections, il s’était présenté sous la bannière du Reform Party.
En somme, les élections législatives du 11 septembre 2015 ont permis au PAP d’asseoir encore plus son autorité à Singapour. Avec seulement 6 sièges au Parlement, l’opposition a une très petite marge de manœuvre. L’électorat a préféré miser sur le parti qui pourrait apporter des réponses à leurs inquiétudes économiques, plutôt que sur ceux qui demandent plus de démocratie.