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Les défis énergétiques du Vietnam

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Depuis les années 1980 et son intégration à l’économie mondiale, le Vietnam s’est positionné comme une figure de la deuxième vague de pays asiatiques industrialisés. Une croissance annuelle jamais inférieure à 5% sur les 10 dernières années, des investissements directs étrangers (IDE) toujours plus nombreux et un PIB par habitant qui s’est envolé (1 913 dollars en 2015 contre trois fois moins en 2005) ont permis un enrichissement du Vietnam qui se traduit par une demande énergétique croissante. La consommation en électricité augmente notamment de 15% par an, nécessitant une augmentation conséquente de la capacité de production. Le gouvernement vietnamien en a fait une priorité mais les solutions demeurent difficiles à trouver dans une volonté d’indépendance énergétique.

Yukiya Amano, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, en visite au Vietnam en 2014 pour prendre connaissance du projet de la centrale nucléaire Ninh Thuan 1.
Yukiya Amano, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, en visite au Vietnam en 2014 pour prendre connaissance du projet de la centrale nucléaire Ninh Thuan 1.

Une énergie hydroélectrique en retrait

Le potentiel hydroélectrique vietnamien, bien qu’important, demeure largement sous-exploité. Ainsi, le gouvernement a engagé la construction de plus de 200 barrages supplémentaires (1), qui seront gérés par le leader monopolistique du pays Vietnam Electricity Power Group,  pour pallier à ces insuffisances. Cependant, la solution hydroélectrique ne se suffit pas à elle-même. En effet, les longues périodes de sécheresse (de janvier à avril) entraînent des coupures d’électricité nombreuses nécessitant des importations, venues de pays voisins comme la Chine. En outre, l’ensemble des prédictions économiques insiste sur le recul de la part de l’hydroélectricité dans la production électrique totale à terme. Si cette part est d’environ un quart aujourd’hui, elle devrait descendre sous les 15% d’ici les années 2030.

Les hydrocarbures ou la tentation de la mer de Chine

Les réserves de gaz du Vietnam sont confortables et sont de l’ordre de 600 milliards de mètres cubes, ce qui en fait le sixième pays asiatiques dans ce domaine. Cependant, l’expansion économique et industrielle rapide du pays relativise cette quantité. En l’état actuel de la consommation de gaz au Vietnam, le pays pourrait avoir épuisé l’ensemble de ses réserves d’ici 60 ans a alerté British Petroleum en 2015. Les réserves d’hydrocarbures encore inexploitées se situent principalement en mer de Chine, dans la zone Reed Bank, à proximité des îles Spratleys.  Seulement, il existe un problème de taille : cette zone est convoitée et revendiquée par de nombreux autres pays parmi lesquels la Chine, Taïwan, le Vietnam et les Philippines. Alors qu’il existe de nombreux conflits larvés  dans la zone, une solution pourrait être la création de zones de développement commun (ZCD). Cette idée appuyée par Deng Xiaoping dès la fin des années 1970 pour le golfe du Tonkin aurait le double avantage de pacifier les relations et d’entretenir durablement  les besoins énergétiques croissants de Hanoi. Cependant, de nombreux doutes persistent sur la réussite d’une telle initiative. Outre des délimitations qui poseraient problème (il s’agit de rogner sur des territoires maritimes exclusifs pour créer cette zone), ce modèle à l’apparence pragmatique n’a pas toujours porté ses fruits. La ZCD créée en 1982 entre le Cambodge et le Vietnam a, pour sa part, contribué à une pacification des relations mais n’a jamais abouti à une exploitation commune des ressources.

La solution nucléaire impossible sans coopération internationale

Les centrales thermiques au charbon du Vietnam nécessitent toujours plus de charbon. Depuis quelques années, le Vietnam est obligé d’importer du charbon d’Australie, d’Indonésie et de Russie. Ainsi, le Vietnam a décidé d’entamer un virage vers la construction de centrales nucléaires civiles. Un Plan de développement énergétique (2011-2020) a été annoncé afin de comporte de renforcer le secteur du nucléaire dans l’économie vietnamienne et de viser une indépendance énergétique à l’horizon 2030. A cette échéance, le Vietnam vise à ce que l’électricité produite par le réseau de centrales nucléaires représente entre 8 % et 10 % de la consommation nationale puis entre 15 % et 20 % à l’horizon de 2050. Pour cela, Hanoi a annoncé la construction de dix réacteurs (7 100 mégawatts). Cependant, le projet a pris du retard en raison de la catastrophe de Fukushima. En outre, le Vietnam est victime d’une dépendance technologique accrue. L’accord pour la construction de la centrale nucléaire Ninh Thuan 1 signé l’année dernière prévoit, en effet, une construction en deux temps qui seront assurées par la Russie, par le biais du géant Rosatom, puis par le Japon. La Russie se dit prête à financer 85% du projet et à assurer la majorité de l’approvisionnement de combustibles et du traitement des déchets nucléaires.

Ainsi, par manque de moyens et une planification peu convaincante, le plan de développement énergétique vietnamien semble impossible à tenir sans le soutien technique et financier de partenaires mondiaux. Et c’est pourtant l’autosuffisance et l’indépendance énergétiques qui étaient visées au préalable par le Vietnam.

(1) Result of hydropower dam construction survey nationwide, Hanoi, Ministry of Industry and Trade, 2013.

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Marc GERARD

Ancien élève de CPGE B/L au Lycée Montaigne, Marc Gérard est diplômé d'un master en Histoire des mondes modernes et contemporains, certifié et enseignant en Histoire-Géographie. Il est rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis janvier 2016.

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