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Élections indiennes et campagnes de désinformations

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Le 11 avril dernier, avait lieu le lancement des élections législatives indiennes de 2019. Le Premier ministre Narendra Modi du Bharatiya Janata Party (BJP) brigue un second mandat face à Rahul Gandhi du Congrès national indien –  héritier de la famille Nehru-Gandhi. Sept phases de vote réparties sur six semaines (fin le 19 mai) pour élire 543 députés. Les élections législatives indiennes prennent la forme d’un véritable marathon.

Tour d’horizon des spécificités électorales indiennes

Avant toutes choses, petite piqure de rappel : L’Inde élit actuellement la XVIIe législature de la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement. La chambre haute (Rajya Sabha), est elle, élue par voix indirecte. En raison d’un nombre très important d’électeurs, les scrutins ne peuvent tenir en une journée. Plusieurs phases sont alors nécessaires pour élire ces députés qui seront en poste pour 5 ans. Un véritable défi logistique pour ce qui est la plus grande démocratie du monde : une population 1,3 milliard (900 millions d’électeurs potentiels). En 2014, lors de la victoire du BJP, le taux de participation en 2014 fut de 66%. Somme toute, un record depuis les deux scrutins précédents.

On parle généralement de l'Inde comme de la plus grande démocratie au monde, au regard du nombre d'électeurs.
L’Inde est une république fédérale composée de vingt-neuf États et sept territoires.

Pour le moment, les deux premières phases de vote ont rassemblées environ 70% des électeurs. C’est une preuve de la ferveur et du niveau d’agitation actuelle, notamment l’émotion liée aux attaques terroristes. Les élections de 2014 avaient été historiques. Aucun parti n’avait obtenu à lui seul une majorité claire de sièges au Lok Sabha depuis 1984, année de l’assassinat de l’ancienne première ministre Indira Gandhi. Dominique Moïsi, dans son livre Géopoltique de l’émotion parlait d’ailleurs d’un Etat fortement marqué par l’espoir, et ce, malgré les évènements tragiques qui ont marqué son histoire.

Rahul Gandhi, le challenger

Principal opposant du premier ministre sortant, Rahul Gandhi est le fils de l’ancien Premier ministre Rajiv Gandhi, ainsi que de l’ancienne présidente du Congrès Sonia Gandhi. Il est l’héritier de la famille Nehru-Gandhi depuis sa prise de poste en tant que président du parti du Congrès depuis décembre 2017. Avec sa soeur Prianka Gandhi, ils incarnent la principale force d’opposition.

Elections sous tension et polémiques contemporaines

Les campagnes actuelles sont les élections les plus chères de l’histoire, après les dernières élections américaines. Le système de financement des partis politiques est très opaque, en particulier à travers les réseaux sociaux qui permettent de rassembler un nombre de plus en plus important d’électeurs.

Divers fumées de corruption soufflent sur le gouvernement de Modi en perte de vitesse. D’abord, dans les affaires d’achat de rafales à la France. En effet, Rahul Gandhi et d’autres grandes figures politiques régionales indiennes ont accusé l’Etat de cacher des détails sur les contrats d’achat. La diffusion de cette affaire auprès de l’opinion publique a entaché la popularité du BJP. Les polémiques et scandales furent affaires courantes durant ces 5 dernières années. Rappelons également que la construction d’une statue haute de 182 mètres dans dans une région reculée du Gujarat fut vivement critiquée.

La famille Nehru-Gandhi est une grande dynastie politique. Nombre de ses membres ont été au pouvoir au sein du Congrès national et à la tête de l’Inde.
Les candidats aux élections : Narenda Modi à gauche – Rahul Gandhi à droite.

Autre polémique importante récente, la multiplication de « fake news » sur la toile qui inquiète fortement les observateurs. Les campagnes très intenses des deux partis ont relayé de nombreuses infox – banalisant la désinformation sur Facebook (300 millions d’utilisateurs). Début Avril, le géant américain a supprimé près de 1 000 pages et comptes, liés au Parti du congrès, et dans une moindre mesure au BJP en raison de spams intempestifs. Par la suite, la messagerie WhatsApp s’est transformée en plateforme de propagation de rumeurs. C’est un phénomène qui a déjà déjà repéré au Brésil, deuxième plus grand utilisateur de l’application derrière l’Inde.

Amplification des faits via les tensions frontalières et  le terrorisme

La désinformation a atteint des sommets sur le net lors de la récente crise au Cachemire avec le Pakistan. Des comptes contrôlés par l’armée pakistanaise ont notamment été effacé – mais pas seulement. La principale raison de cette recrudescence de désinformation est que la majorité des filtres de Facebook sont élaborés pour la langue anglaise. Dès lors, de nombreuses vidéos ou messages malveillants s’échappent à travers la toile indienne.

En conclusion, ces phénomènes ne sont que le prolongement des campagnes de propagande et de décrédibilisation mutuelles qui entravent les débats et les sujets de fonds. Deux registres s’affrontent lors de ces élections. Narenda Modi et le BJP prônent l’aspect sécuritaire et nationaliste. Rahul Gandhi et le parti du Congrès, conseillé par Thomas Piketty, sont eux plus concentrés sur l’aspect économique. Quoi qu’il en soit, ces élections promettent de rassembler à un nombre record d’électeurs.

Sources :

L’Inde, démocratie dynastique ou démocratie lignagère ? Christophe Jaffrelot – https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/1d1vlhp8p7t3k7k974ogo34qi/resources/2006-jaffrelot-l-inde.pdf

https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-m/l-edito-m-09-avril-2019

http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20180722-inde-achat-avions-francais-rafale-parfum-scandale

https://www.france24.com/fr/video/20190423-inde-plus-grandes-elections-histoire

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Pierre Lacroix

Pierre Lacroix est diplômé d'une Licence de Géographie (Université de Nantes), d'un Master de Relations Internationales, Intelligence Stratégique et Risques Internationaux (Lyon III), puis d'un Master Coopération Internationale et ONG (Paris XIII). Il est rédacteur depuis Mars 2019.

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