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La Russie cherche une solution pour l’Afghanistan

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L’évènement est passé relativement inaperçu, le 15 février dernier la Russie organisait à Moscou une très discrète consultation régionale sur le règlement de la crise afghane. Une date symbolique dans la relation des deux pays, puisqu’il s’agissait du jour anniversaire du retrait soviétique, qui mettait fin à une intervention de 10 années en Afghanistan (1979-1989). Plusieurs États étaient invités à cette rencontre, la Chine, L’Iran, le Pakistan et l’Inde. Des États qui ont pour intérêt commun la stabilisation de l’Afghanistan pour enrayer le djihadisme et notamment la présence de Daesh dans le pays. L’absence des États-Unis à cette réunion était une demi surprise dans le contexte actuel de tensions avec la Russie et ce malgré la présence en Afghanistan de 13 500 soldats de l’OTAN dont 6700 américains.

Cet événement intervient à un moment où l’État central afghan semble plus fragile que jamais depuis l’arrivée des troupes américaines en 2001, démontrant à de nombreuses reprises son incapacité à contrôler l’ensemble du territoire afghan. Si les talibans sont encore présents dans la région, la création du Daesh local, l’« État islamique de la province du Khorasan » en 2015, inquiète de plus en plus les pays voisins. Face à l’EI, certains États, comme la Russie et l’Iran commencent à reprendre contact avec les talibans, qui ont décidé de ne pas suivre le mouvement Daesh, comme l’a montré dès 2015 une lettre du mollah Mansour, ancien ministre du régime des talibans à Kaboul (1996-2001) et qui les dirige aujourd’hui. Par la suite plusieurs accrochages ont d’ailleurs été repérés entre talibans et membres de l’EI.

Une vision commune sur la situation afghane

L’Afghanistan un État clé pour l’avenir de l’Asie centrale

En invitant un nombre important d’États voisins de l’Afghanistan, le 15 février dernier, la Russie a démontré sa capacité à rassembler les acteurs clés de la région autour d’elle. Si la Chine et l’Iran sont déjà des partenaires dans de nombreux autres dossiers, l’intégration à la fois de l’Inde et du Pakistan lors de cette réunion montre la volonté russe de s’entourer d’un maximum d’interlocuteurs. L’intérêt pour la Russie étant que les différentes voix convergent contre l’État Islamique en Afghanistan, afin d’éviter toute propagation du phénomène en Asie centrale et en parallèle de mettre un petit pied de nez à l’OTAN et aux États-Unis pourtant très impliqués à Kaboul.
Si ces discussions n’ont pour l’instant pas pris de réalité formelle, Moscou, Pékin, Islamabad et Téhéran se sont mis d’accord sur plusieurs points, le plus important étant la nécessité d’un dialogue entre le gouvernement afghan et les talibans, ce qui permettrait de lutter plus efficacement contre le présumé véritable ennemi : l’État Islamique.

Contrairement à l’époque soviétique, la Russie sait qu’elle ne pourra pas stabiliser l’Afghanistan toute seule, les enjeux liés à ce pays ont eux-mêmes changé depuis l’éclatement de l’URSS. La situation de l’Afghanistan est aujourd’hui une condition essentielle pour la stabilité de l ‘Asie centrale. Une zone d’importance historique pour la Russie et dans laquelle la Chine a massivement investie. Pour tenter d’enrayer la crise afghane, les Russes souhaitent désormais s’appuyer sur les pays voisins et surtout ouvrir un dialogue avec les différents acteurs politiques internes afghans. Avec cet objectif de stabilisation, isoler les États-Unis ne semble pas censé, vu l’influence de Washington sur le gouvernement de Kaboul. Les États-Unis n’étaient pourtant pas invités à cette réunion du 15 février à Moscou. Il est probable que la Russie attende un appel des américains, pour d’éventuelles négociations entre le gouvernement afghan et les talibans, lorsque la situation sera jugée intenable par Washington. En effet, il est difficile de croire à une présence américaine Ad vitam æternam en Afghanistan, cette présence étant pourtant nécessaire pour le gouvernement de Kaboul, qui ne semble pas en mesure de faire face à ses différents ennemis en cas de retrait des troupes de l’OTAN.

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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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