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Visite onusienne en Corée du Nord : une fragile avancée diplomatique

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Ce mardi 12 décembre, le sous-Secrétaire général aux Affaires politiques de l’ONU a présenté son rapport au Conseil de sécurité sur sa visite en Corée du Nord la semaine dernière. Un dialogue a ainsi été amorcé avec le régime de Pyongyang, dans un contexte de tensions ravivées suite au tir d’un nouveau missile le 29 novembre dernier, capable de toucher l’ensemble du territoire américain. Si certaines portes ont pu être ouvertes, rien n’est encore acté et des points de discorde subsistent.

Jeffrey Feltman s'est longuement entretenu avec le Ministre des Affaires étrangères nord-coréen et son adjoint.Les tensions entre la Corée du Nord et les États-Unis avaient atteint un niveau inquiétant suite au dernier tir de Pyongyang du 29 novembre, particulier dans la mesure où il impliquait un missile capable de parcourir plus de 13 000 km, soit de quoi atteindre le territoire américain jusque sur sa côte Atlantique. Une « prouesse » à laquelle ne s’attendait pas la communauté internationale, notamment la Corée du Sud qui n’avait pas évalué une telle avancée dans le programme balistique de son voisin. Selon le think tank américain 38 North, ce missile baptisé « Hwasong-15 » serait capable de transporter une ogive nucléaire de 1000 kg, et un développement d’une ogive de moins de 700 kg serait en cours[1]. Le régime nord-coréen poursuit ainsi sa démonstration de puissance nucléaire, souhaitant être reconnu comme telle, sécurisant ainsi le maintien de son système sur l’échiquier international.

Cependant, le gouvernement de Donald Trump refuse catégoriquement cette reconnaissance. Le président américain a appelé tous les pays à rompre leurs relations diplomatiques et commerciales avec la Corée du Nord, et l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, a déclaré que son pays avait l’intention de « détruire complètement » le régime de Kim Jong-un « en cas de guerre ». La Russie et la Chine ont refusé de suivre la demande américaine, Moscou estimant que « la pression des sanctions est épuisée » et Pékin souhaitant une solution de « double moratoire » avec des efforts des deux côtés.

Longue discussion en eaux troubles

Néanmoins, les États-Unis, comme la Corée du Nord, manifestent en parallèle une volonté, bien que timide, de dialoguer. Jeffrey Feltman (photo ci-dessus), sous-Secrétaire général aux Affaires politiques de l’ONU, s’est rendu la semaine dernière à Pyongyang et s’est longuement entretenu – plus de 15 heures selon l’émissaire – avec le Ministre des Affaires étrangères nord-coréen Ri Yong-ho et son adjoint. Ce mardi 12 décembre, il a présenté à huis clos son rapport au Conseil de sécurité. L’élément positif de cette visite, outre le dialogue amorcé, est que Jeffrey Feltman est de nationalité américaine. Cette précision, importante dans ce contexte, démontre que le régime de Kim Jong-un est non seulement ouvert à une discussion avec la communauté internationale, mais également avec les États-Unis. Le gouvernement américain a d’ailleurs annoncé, mardi également, qu’il était prêt à entamer des discussions « sans condition préalable », mais persiste à exiger un renoncement à l’arme nucléaire de la part de la Corée du Nord.

Il s’agit donc d’une ouverture timorée, à considérer avec prudence. Si des discussions ont bien eu lieu, et si les représentants nord-coréens ont admis qu’il fallait éviter une guerre, ils n’ont pris aucun engagement et il faudra faire preuve de patience avant d’évaluer les fruits de cet entretien. Mais le point de tension entre États-Unis et Corée du Nord sur la reconnaissance de Pyongyang comme puissance nucléaire risque en particulier de fragiliser cette avancée, Kim Jong-un ayant à nouveau manifesté cette semaine son objectif de faire de son pays « la puissance nucléaire et militaire la plus forte au monde ». Le travail diplomatique de l’ONU, et à travers elle de tous les acteurs internationaux, est donc plus que jamais essentiel.

[1] http://www.38north.org/2017/11/melleman113017/

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Jessy PÉRIÉ

Diplômée d'un Master 2 en Géopolitique et prospective à l'IRIS, Jessy Périé est analyste géopolitique et journaliste, spécialisée sur la zone Asie orientale. Elle s'intéresse particulièrement aux questions de politique extérieure chinoise et japonaise.

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