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Quelle alliance militaire pour la Turquie ?

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Rex Tillerson et Mevlut Cavusoglu

Lors d’un événement de l’OTAN en Norvège, deux personnalités turques ont été présentées comme des « ennemis » : Mustafa Kemal Atatürk et Recep Tayyip Erdogan. Malgré les excuses, la réaction d’Ankara a été immédiate, questionnant la présence turque au sein de l’Alliance Atlantique-Nord.

La Turquie, lâchée par les Etats-Unis ?

Depuis plusieurs années, les relations américano-turques se sont détériorées. La rhétorique de Recep Tayyip Erdogan, favorable aux pays émergents et en particulier aux pays musulmans, l’a amené plusieurs fois à tenir des propos durs vis-à-vis de l’allié américain. Une succession de facteurs ont accentué la méfiance mutuelle. Pour n’en citer que deux, les agendas différents des deux pays au Moyen Orient, et la demande d’extradition de Fetullah Gülen, prédicateur turc autrefois allié de l’AKP aujourd’hui ennemi numéro un du gouvernement. Dans la crise syro-irakienne, Washington s’est largement appuyé sur les milices kurdes YPG, proches du PKK. De son côté, Ankara, craignant de voir une région contrôlée par les Kurdes syriens à ses frontières, est resté neutre dans la lutte contre Daesh à Kobane, laissant une frontière poreuse. Pour les Etats-Unis, la Turquie est un allié douteux, potentiel complice de Daesh ou d’autres groupes islamistes en Syrie. Pour la Turquie, les Etats-Unis favorisent le terrorisme kurde qui se retournerait contre Ankara par la suite.

La tentative de coup d’Etat en 2016 a accentué ces tensions. Pour la Turquie, deux faits sont inacceptables : la non condamnation par Washington de cette initiative militaire contre la démocratie, et la non-extradition de Fetullah Gülen, résident aux Etats Unis et présenté comme le cerveau de l’action. Les Etats-Unis sont effectivement restés silencieux durant la tentative de prise de pouvoir par l’armée, ce dont l’administration Obama s’est par la suite excusée. Quant à Fetullah Gülen, Washington estime que les preuves turques sont insuffisantes pour justifier une extradition. L’arrivée de Trump était attendue plutôt favorablement par Erdogan. Il espérait y trouver un allié hostile aux ambitions régionales kurdes, et peu regardant quant aux purges massives d’Erdogan. Pourtant, les relations ne se sont pas améliorées, et cette nouvelle crise avec l’OTAN relance une question pour la Turquie : doit-elle rester dans cette alliance militaire ?

Russes et Américains se disputent la Turquie

Parallèlement à ces relations difficiles, la Turquie s’est rapprochée d’un ancien rival, Moscou. Les relations russo-turques ont effectivement progressé, en particulier en termes militaires et diplomatiques. Avec l’Iran, les trois puissances mènent des négociations pour trouver un compromis sur la crise syrienne. Vladimir Poutine a d’ailleurs déclaré qu’ensemble, ils organiseront un Congrès pour la Syrie à Sotchi, où le Président russe voit une réelle opportunité de mettre fin au conflit. Moscou a également accepté de vendre à la Turquie des missiles S-400, provoquant la colère des Etats-Unis. La sortie d’Ankara de l’OTAN serait-elle une victoire russe, créant un axe Russie-Turquie-Iran au Moyen Orient ?

On en est encore loin. Tout d’abord, les alliances de circonstances ne peuvent durer dans le temps. Un tel axe se divisera en effet très vite sur les questions des politiques à adopter face à Israel et l’Arabie Saoudite. Si l’Iran est hostile aux deux pays, la Russie en est proche, tandis que les relations avec la Turquie sont très fluctuantes selon le contexte. Ensuite, il n’y a pour l’instant aucun accord liant les trois pays ensemble. S’il est possible d’inclure l’Iran à l’alliance militaire autour de la Russie, l’Organisation du Traité de Sécurité Collective, l’inclusion de la Turquie serait plus difficile. En effet, l’Arménie, avec qui la Turquie a rompu les relations diplomatiques et fermé la frontière, est également membre de l’OTSC. Erevan a déjà mis son veto à l’entrée du Pakistan dans l’OTSC en 2016, et a menacé d’empêcher toute adhésion de la Turquie à l’Union Economique Eurasiatique (regroupant à peu près les mêmes Etats que l’OTSC) tant que la frontière serait fermée entre les deux Etats. L’adhésion turque ne se ferait pas sans obstacles.

Aujourd’hui, plusieurs spécialistes turcs excluent la sortie de la Turquie de l’OTAN, qui serait une mauvaise décision selon eux. En revanche, les déclarations virulentes d’Erdogan ont réuni le pays derrière l’AKP, y compris l’opposition kémaliste du CHP. Si en politique extérieure on ne verra probablement pas de changement majeur, en politique intérieure, cette crise profite à Erdogan, en campagne face à sa nouvelle rivale à forte rhétorique kémaliste, Meral Aksener.

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