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Israël-Chine : une proximité économique problématique

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18 ans. C’est le temps qui s’est écoulé entre la venue de Jiang Zemin en 2000 et la visite du vice-président chinois Wang Qichan, très proche de Xi Jinping. Cependant, le résultat est à la hauteur de l’attente. Des accords de coopération et d’investissement ont été signés dans les secteurs de l’agriculture et le digital et pourraient déboucher sur un accord de libre-échange. De quoi en inquiéter plus d’un, aussi bien à Tel-Aviv qu’à Washington ou New Delhi.

Des intérêts économiques partagés

Benyamin Netanyahu et Wang Qichan le 24 octobre à Tel-Aviv

La coopération sino-israélienne remonte aux années 1980 et repose alors principalement sur la livraison d’armes et de technologies militaires israéliennes à la Chine. L’intervention américaine pour arrêter la vente du radar aéroporté Phalcon en 2002 a néanmoins limité les liens militaires. L’intérêt de Pékin pour Israël repose aujourd’hui davantage sur sa réputation de centre d’innovation et de « startup nation ». En effet, la Chine a un grand besoin de technologies agricoles, de biotechnologies, d’intelligence artificielle, de technologies de gestion des déchets etc. Elle aurait investi un total de 25 milliards de dollars au cours des dernières années dans des entreprises israéliennes, afin de bénéficier d’innovations et d’assurer l’approvisionnement du marché chinois. Le leader israélien des produits laitiers, Tnuva, et des startups telles Pixellot sont ainsi passés sous contrôle chinois. Les entreprises chinoises commencent également à y développer des centres de R&D (Huawei, notamment). Pour autant, les entreprises israéliennes profitent aussi d’un accès privilégié au marché chinois, selon le principe « invented in Israel, expanded in China ». Plus d’un millier de startups israéliennes se sont ainsi implantées dans la république populaire.

La Belt & Road Initiative, également connue sous le nom de Nouvelles Routes de la soie, est l’occasion de nouvelles coopérations, bien que l’Etat hébreu n’ait pas officiellement rejoint ce plan d’infrastructures tentaculaire. Pour la Chine, Israël possède une situation géographique idéale, sur la Méditerranée, au carrefour de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe. Il y a, de surcroît, un important potentiel d’infrastructures à développer, puisque la population israélienne pourrait doubler dans les années à venir. China Harbour a ainsi remporté l’appel d’offre pour la construction du nouveau port d’Ashdod. Les gisements gaziers découverts au large des côtes israéliennes devraient encore renforcer l’attractivité du pays pour le géant chinois, dont la consommation énergétique n’a cessé de croître. Du côté israélien, on compte tirer parti de ces investissements pour moderniser des infrastructures – routières et ferroviaires, en particulier – vétustes, mais aussi pour développer les liens économiques avec les Etats arabes, encore réticents à l’idée de commercer avec l’Etat hébreu.

Des conséquences géopolitiques problématiques

Toutefois, cette idylle économique n’est sans arrière-pensées géopolitiques. Pékin souhaite se positionner comme un acteur incontournable du règlement du conflit israélo-palestinien. En se rapprochant d’Israël, la Chine escompte acquérir davantage de crédibilité, et s’affirmer vis-à-vis des Etats-Unis, dont la force de proposition semble sérieusement entamée dans la région. Tel-Aviv, quant à elle, espère ainsi diversifier ses soutiens, au-delà des Etats-Unis, alors que l’Europe est de plus en plus critique d’Israël. Le jeu pourrait pourtant s’avérer dangereux pour Tel-Aviv. En effet, si la Chine est pour l’instant un partenaire commercial prometteur, rien ne garantit qu’elle ne lâchera pas Israël, si une politique pro-israélienne n’est plus dans ses intérêts. Une posture que Washington est beaucoup moins certaine d’adopter. Les rumeurs d’espionnage industriel chinois nourrissent également les craintes israéliennes quant à la fiabilité de ce partenaire. Enfin, si une politique tous azimuts visant à libérer Israël de son relatif isolement géopolitique est pour l’instant attirante, Américains et Indiens devraient voir la chose d’un autre œil. Les premiers pourraient imposer des restrictions en termes de transferts de technologies justifiées par leur soutien indéfectible à Israël. Les seconds, premiers clients du complexe militaro-industriel israélien, pourraient également tenter de faire pression sur Israël. Cependant, étant donné la très haute sophistication du matériel acheté par New Delhi, trouver un autre fournisseur sera difficile.

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