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Défaite de Tsai Ing-wen aux municipales taïwanaises : signification et conséquences

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Samedi 24 novembre, à l’occasion des élections municipales, les Taïwanais ont infligé un désaveu cinglant au PPD (Parti Progressiste démocratique), dirigé par la présidente en exercice Tsai Ing-wen. De 23 villes, elle n’en contrôlera désormais plus que 6. Le grand vainqueur de cette élection est le KMT (Kuomintang), officiellement favorable à un rapprochement avec Pékin et soutenu par la République populaire de Chine, qui n’accepte plus d’établir des programmes culturels et touristiques qu’avec les villes gérées par ce parti. Mais peut-on pour autant parler de victoire pour la Chine communiste ?

Un résultat sans conséquence à l’égard des relations entre Pékin et Taipei

Comme l’exprime la formule consacrée, pour le Parti communiste chinois, « le coq chinois [par référence à la forme du pays] ne peut être privé d’une seule plume ». Depuis l’accession au pouvoir de Tsai Ing-wen, le gouvernement communiste n’a cessé de tirer à boulets rouges sur l’île de Taïwan. En effet, comme militante, cette partisane du PPD défendait une position indépendantiste (qu’elle tempérera en tant que présidente par la suite). Pourtant, son échec électoral, suite auquel elle a démissionné de la présidence de son parti, n’a suscité à Pékin qu’un vague témoignage de satisfaction. Tout au plus, un porte-parole a suggéré au PPD de réviser son programme en conséquence. 

Contrairement à ce que les apparences pourraient suggérer, la question des relations avec la Chine continentale n’a que très peu occupé les thèmes de campagne de ces municipales. Aucun des deux principaux partis en lice n’a clarifié sa position vis-à-vis de Pékin, signe d’un relatif consensus en faveur d’un statu quo raisonné. A l’inverse, la bataille électorale a gravité autour de questions économiques et de thème sociétaux, comme le mariage homosexuel, que souhaitait légaliser la présidente en exercice. La défaite du PPD aux municipales est avant tout le fait d’une frange conservatrice de la société, opposée au progressisme du PPD ainsi que du désaveu des plus démocrates dont le désir d’indépendance a été déçu par Tsai Ing-wen. En somme, cette défaite électorale illustre le déclin habituel des partis au pouvoir à mi-mandat dans une démocratie représentative. Elle ne présage en rien du résultat de la future présidentielle, au contraire: le fait que le KMT contrôle à présent 17 des 23 villes de Taïwan pourrait bien le desservir à ce moment-là. 

Une population chinoise amusée, un Parti communiste à la manœuvre

Si les médias de Chine continentale, contrôlés pour le pouvoir, essaient de lier cette défaite du PPD à leur inclinaison indépendantiste, on ne peut pas en dire autant des réseaux sociaux. Pour les habitants de la République populaire, dans l’ensemble, KMT et PPD sont relativement semblables. Parmi les slogans les plus populaires qui circulent sur la toile, on peut lire que « Là où le PPD veut une indépendance sans fard [明独], le KMT veut l’indépendance en catimini [暗独] », ou encore, « La Chine veut faire de Taiwan sa sœur jumelle, Taiwan veut faire de la Chine son sac d’oseille » [中国拿台湾当同胞,台湾拿中国当钱包]. Les jeux de mots et blagues de mauvais goût sont des facteurs d’expressions privilégiés par les jeunes « netizens » qui témoignent ainsi de leurs opinions aux antipodes de la propagande formelle des médias affidés à Xi Jinping.

Han Kuo-yu remporte la ville de Kaohsiung, un fief du PPD, grâce à l'influence de Pékin
Han Kuo-yu remporte la ville de Kaohsiung, un fief du PPD, grâce à l’influence de Pékin

Néanmoins, même si cette élection n’est pas une victoire en tant que tel pour Pékin, elle démontre tout de même une chose : le gouvernement de Chine continentale sait influencer des élections. En plus de financer massivement les partis qu’il approuve, il est capable de lancer des campagnes de désinformation et de soutien sur l’internet. La victoire inattendue de l’outsider Han Kuo-yu (KMT) dans un fief du PPD en est la preuve : l’engouement dont il a bénéficié repose en grande partie sur la vaste diffusion par Pékin de « fake news » et de rumeurs à l’encontre de son opposant Chen Chi-mai. Cette campagne de désinformation, conjuguée au style « populiste » adopté par Han Kuo-yu, a pu faire basculer le jeune électorat dans l’escarcelle du KMT. Si, autrefois, la Chine continentale usait de bombardements et de parades militaires pour intimider les électeurs, elle privilégie aujourd’hui cette stratégie d’influence rodée par Moscou, et qui ne cesse de prouver son efficacité dans le monde.

 

Sources:

Médias français: Le Monde, Le Figaro, La Croix (édition du 24 novembre 2018)

Médias étrangers:
-Epoch Times (https://www.epochtimes.fr/parti-nationaliste-remporte-victoire-electorale-ecrasante-a-taiwan-599044.html)
-South China Morning Post (https://www.scmp.com/news/china/politics/article/2175860/taiwans-tsai-ing-wen-says-no-change-relations-mainland-following)
-Weibo & Wechat

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