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Manifestation indépendantiste à Taïwan: les germes d’un conflit armé annoncé en Asie-Pacifique

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Alors que Xi Jinping a récemment inauguré un pont symbolique reliant Hong Kong au continent, sapant un peu plus les espoirs des nationalistes locaux, le mouvement indépendantiste d’Alliance Formose prend de l’ampleur sur l’île de Taïwan.  Des dizaines de milliers de militants ont défilé samedi 20 octobre 2018, pour réclamer un référendum. Véritable pomme de discorde entre Pékin et Washington, Taïwan et ses 22.5 millions d’habitants revêt une importance stratégique majeure aux yeux du gouvernement chinois. Dans ces conditions, une sécession officielle est-elle envisageable pour la nation insulaire ? 

L’île de Taïwan confrontée au géant chinois évoque le combat de David contre Goliath. Ce territoire de 31 000 km² est réclamé, acculé et régulièrement menacé par une République Populaire de Chine en pleine montée en puissance. La protection de Washington, salutaire jusqu’aujourd’hui dans la conservation de l’indépendance de facto de l’île, s’étiole à mesure que Pékin étend son hégémonie sur les mers de Chine. Ainsi, les navires militaires américains navigants au large des côtes chinoises, en vertu de la liberté de navigation, font l’objet de récriminations, voire de menaces de plus en plus audacieuses de la part de l’Armée populaire de libération (APL). Par ailleurs, sous la pression diplomatique chinoise, le nombre d’Etats reconnaissant l’existence légale de Taïwan se réduit à peau de chagrin. Aujourd’hui, ils ne sont plus que dix-sept. Enfin, la constitution d’une flotte amphibie par Pékin témoigne de l’acuité et de l’actualité du danger d’invasion qui plane sur l’île.

Face aux ultimatums chinois, la population taïwanaise proteste

Depuis la prise de pouvoir de Xi Jinping, la rhétorique gouvernementale envers l’île s’est considérablement durcie. L‘armée agit en ce sens puisque depuis quelques années, l’aviation militaire chinoise a multiplié les provocations en violant l’intégrité territoriale taïwanaise. Par ailleurs, le renforcement conséquent des liens économiques entre les deux pays renforce les moyens de pression de Pékin envers Taipei. Enfin, dans le cadre du Consensus de 1992, la Chine promet une invasion militaire de l’île en cas de non-réunification pour 2049, date anniversaire de la prise de pouvoir du Parti.

Manifestion du 20 octobre 2018 pour l'indépendance: plus de 100.000 participants selon les organisateurs
Manifestion du 20 octobre 2018 pour l’indépendance: plus de 100.000 participants selon les organisateurs

Comme pour Macao et Hong Kong, on pourrait croire que la population céderait. Et pourtant, la dernière manifestation du mouvement pro-indépendance Alliance Formose démontre l’inverse. Le 20 octobre 2018, aux cris du slogan « un référendum pour l’indépendance », des dizaines de milliers de manifestants ont proclamé leur refus d’une annexion. C’est un mouvement inédit sur l’île, visant à persuader la présidente Tsai Ing-wen, partisane du statu quo, d’assumer ses velléités d’indépendance. L’horloge tourne et le temps long ne joue pas en faveur des indépendantistes. Mais la politique agressive de Pékin, ses intrusions dans le processus démocratique de l’île et les atours autoritaires du régime de Xi Jinping participent à grossir les rangs d’Alliance Formose. En parallèle, le mandat d’un Donald Trump intransigeant et jusqu’au-boutiste ouvre une fenêtre inespérée au désir d’émancipation des démocrates taïwanais. Un alignement des astres historique dont le mouvement indépendantiste voudrait se saisir. 

Taïwan, un territoire vital pour la Chine à triple titre

Quelle serait la réaction de Pékin à une déclaration d’indépendance ? Le gouvernement chinois l’a annoncé sans détours : la guerre. En effet, la sécession de ce territoire poserait trois dangers majeurs pour le Parti communiste chinois (PCC).

Cartes des régions autonomes (en jaune), généralement issues de protectorats chinois et non-Han, conquises afin de sanctuariser le centre historique et névralgique de la Chine.

Tout d’abord, un risque de sécurité territoriale. La Chine historique est protégée à l’ouest par le désert du Xinjiang, au nord par les plaines de la Mongolie intérieure, au Sud par les jungles du Yunnan, et au sud-ouest par les hauts-plateaux tibétains. Le détroit de Taïwan et la mer de Chine septentrionale sont donc les deux dernières zones à risque pour le cœur historique chinois. Avec Taïwan, Pékin posséderait la dernière pièce manquante pour  sanctuariser entièrement son territoire.

D’autre part, un risque de crise de confiance. Taïwan incarne la thématique de l’« humiliation » (侮辱) chère aux médias du parti unique. Ce territoire a en effet été arraché à l’empereur par le Japon en 1895, et échappe encore aujourd’hui à l’administration chinoise. Une réminiscence inacceptable pour Pékin. Sa perte définitive serait un coup dur porté à la crédibilité du gouvernement.

Enfin, un risque idéologique. Le régime de Taipei représente un danger essentiel pour le PCC. C’est l’exemple d’une démocratie réussie et fondée sur des valeurs authentiquement chinoises, un succès aux antipodes des assertions doctrinales de la propagande communiste.

Pour toutes ces raisons, et avec la montée des mouvements indépendantistes à Taiwan, les prochaines élections présidentielles de 2020 auront probablement de lourdes conséquences. Elles pourraient bien déboucher sur un référendum, dont la tenue même justifierait une intervention militaire du point de vue de Pékin. L’île, sous protection américaine, serait alors l’épicentre d’un conflit de grande ampleur en Asie-pacifique.

Sources:

https://www.scmp.com/news/china/politics/article/2169493/taiwan-independence-protesters-take-street-taipei

https://www.scmp.com/news/china/military/article/2168766/taiwan-military-starts-war-games-simulating-attack-chinas-pla

https://www.guancha.cn/local/2018_10_23_476529.shtml?s=sywglbt

 

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