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La Nouvelle-Calédonie ou le Caillou gaulois sur terrain de jeu anglo-américain (3/7)

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Grâce à ses sous-sols riches en nickel, la Nouvelle-Calédonie est un atout d’autant plus stratégique pour la France. L’émancipation de l’archipel de la tutelle française rimerait avec la perte d’un avantage concurrentiel significatif pour l’économie de l’Hexagone. La question de l’exploitation du nickel néocalédonien, voilà qui donne encore une autre dimension hautement déterminante dans les relations internationales au sein du Sud Pacifique. 

La Nouvelle-Calédonie, terrain d’exploitation minière français

L'exploitation du nickel est le principal pilier sur lequel repose l'économie néocalédonienne
Jusqu’en 2023, la Nouvelle-Calédonie était le troisième producteur mondial de nickel.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’exploitation du nickel resta l’un des principaux piliers de l’économie néocalédonienne. Ce territoire, jusqu’en 2023, se trouvait être le troisième producteur mondial de nickel, derrière les Philippines et l’Indonésie. Cela, toujours par l’entremise de la Société Le Nickel (SLN), qui est devenue aujourd’hui une filiale du groupe français Eramet.

Toutefois, davantage que par sa quantité, c’est par sa qualité que se distingue le nickel néocalédonien. C’est ce que confirme les déclarations de Nicolas Mazzuchi, docteur en géographie économique et spécialiste des questions énergétiques ainsi que des matières premières. Dans un article publié par le Figaro, le 2 novembre 2018, deux jours avant le premier référendum pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, il nous expliquait que le nickel calédonien était potentiellement en mesure, pour des raisons qualitatives, de remplacer à l’avenir le néodyme, au sein des marchés de niche. Le néodyme est un aimant au cœur du fonctionnement des éoliennes. Ainsi, son remplacement permettrait par la même occasion à la France de retirer aux Chinois le contrôle total que ces derniers possèdent actuellement sur le marché des éoliennes.

À cela s’ajoute le fait que l’archipel calédonien détient une part importante des ressources mondiales d’or vert. Celui-ci est un matériau indispensable en ce qui concerne la fabrication d’acier inoxydable. En perdant la Nouvelle-Calédonie, la France perdrait donc son accès à une ressource minérale hautement stratégique pour son industrie. Cela, en sus de se voir amputée d’un potentiel avantage hautement concurrentiel face à la Chine.

Quant à l’économie néocalédonienne, elle repose presque exclusivement sur l’exploitation minière. Elle n’est donc nullement pourvoyeuse de haute valeur ajoutée. Si indépendante un jour elle devient, elle ne serait pas en capacité de pérenniser sa croissance économique et sa qualité de vie. À ce propos, d’ailleurs, depuis le 14 octobre 2024, après cinq mois d’émeutes et de tension au sein de l’archipel, la société Le Nickel a dû suspendre ses activités sur le site minier de Thio. Cette situation ne sera certainement économiquement profitable ni à la Nouvelle-Calédonie, ni à la France. Cela, à l’instar de l’accession pleine et entière de la Nouvelle-Calédonie à la souveraineté. Reste à savoir, désormais, à qui cette situation profiterait.

L’indésirable francité de la Nouvelle-Calédonie

La guerre en Ukraine opposent les puissances thalassocratiques anglo-américaines, aux puissances tellurocratiques continentales d’Europe de l’Ouest sur des questions aux enjeux extra-ukrainiens. Cela, sur fond d’ostracisation de la Russie poutinienne, à dessein, afin de pérenniser l’influence américaine sur le Vieux Continent. Pareillement, au sein de l’Indopacifique, derrière la question de l’indépendance néocalédonienne se joue la redéfinition de l’influence et du partage des marchés, essentiellement entre la France et les États-Unis.

Nous le disions, sous Napoléon III, la Nouvelle-Calédonie est devenue une colonie française, avant tout et surtout, pour concurrencer l’influence commerciale grandissante des Britanniques, au sein de cette partie du monde. D’ailleurs, encore aujourd’hui, par sa position géographique, l’archipel calédonien se situe sur un axe des plus stratégiques pour contrôler les routes maritimes commerciales dans le Pacifique Sud.

Aussi, l’Australie, est-elle, à l’instar de la Nouvelle-Calédonie, détentrice d’une importante industrie minière. Elle a, en partie pour cette raison, toujours entretenu des relations ambiguës et fluctuantes avec la France. La première a longtemps reproché à la seconde d’avoir utilisé l’archipel calédonien comme lieu d’essais nucléaires.  Quant à la France, elle a, à plusieurs reprises, accusée l’Australie d’apporter son soutien aux indépendantistes kanaks. Ce fut en effet le cas lors d’un vote à l’assemblée de l’Organisation des Nations unies (ONU), en 1986. À cette occasion, l’Australie s’était prononcée pour l’inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non-autonomes et à décoloniser. Ce qui avait conduit la France à expulser le Consul australien de Nouméa.

La Nouvelle-Calédonie, un petit archipel impuissant au service de grands enjeux de puissance

En septembre 2021, Canberra passa un accord secret avec Londres et Washington. C’est ainsi que l’Australie rompit, unilatéralement, un contrat d’un montant de 56 milliards d’euros signé avec la France. Celui-ci portait sur l’achat de douze sous-marins au constructeur français Naval Group. Par cet acte, le gouvernement australien démontra clairement vers qui allait véritablement son allégeance. Ceci fut perçu par la France comme un coup de Trafalgar de la part de l’Australie et des États-Unis à son encontre.

Pour cause, l’alliance de l’Australie, du Royaume-Uni et des États-Unis (AUKUS) laissait aisément transparaître la volonté des Américains et de ses deux alliés traditionnels, le Royaume-Uni et l’Australie. Il s’agissait, somme toute, d’évincer toute forme d’influence française au sein du Sud Pacifique. Espace géographique qui a toujours été, depuis le XIXe siècle, essentiellement un terrain de jeu anglo-saxon. D’ailleurs, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, Roosevelt ne cacha pas son intention d’annexer la Nouvelle-Calédonie à la nation étasunienne, en échange de prêt-bail concédé à la France. Ce que De Gaulle refusa. La Nouvelle-Calédonie apparaît donc désormais comme un îlot gaulo-réfractaire, en zone Pacifique globalement sous domination américaine.

Pour comprendre la rivalité entre la France et les États-Unis ainsi que ces alliés britannique et australien, il est nécessaire de s’intéresser à ce qui a constitué la nature essentielle de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait objectivement d’un morcellement du marché mondial entre grandes puissances industrielles. Entendons la France, l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les États-Unis et le Japon. Avant 1914, pour pallier aux crises de débouchés, les grandes puissances industrielles se lançaient dans de nouvelles conquêtes coloniales. Cela, afin de conquérir des marchés nouveaux. À l’aube du XXe siècle, l’ensemble des territoires, à travers le monde, était conquis par les différentes puissances industrielles et commerciales. Cette solution n’était alors plus possible.

Ainsi, le nationalisme, qui émergea dans les années précédant l’an 1914, répondait à une nécessité strictement économique. Les nations industrielles, soucieuses de préserver leur économie nationale, dans une situation de crise de débouchés systémique de l’économie internationale, n’avaient donc d’autre choix que de se livrer, entre elles, à une guerre totale pour le partage mondial des marchés. Ce type de guerre consiste à détruire l’intégralité de l’appareil industriel et commercial des nations ennemies. Ce que les progrès technologiques réalisés lors du XIXe siècle rendirent matériellement possible. Tant que cet objectif de guerre n’a pas été atteint, le conflit ne peut prendre fin. Cela, combien même l’ennemi accepterait de capituler sans condition. Ce qui explique les bombardements militaires et stratégiquement inutiles des villes d’Hiroshima et de Nagasaki.

Cependant, la destruction du Japon n’allait pas suffire, à elle seule, à faire du Pacifique une zone d’influence strictement américaine. Il fallut alors, pour les Américains, user d’une stratégie d’autant plus subtile pour être la seule puissance à exercer, sans conteste, une influence prédominante dans cette partie du monde, sur le long terme.

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Sources

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Yoann Lusikila

Yoann Lusikila est diplômé de science politique à l'Université de Lausanne. Il s'est spécialement intéressé aux enjeux de sécurité internationale, et de guerres économiques, à l'aune de la globalisation économique.

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