Après la Chinafrique, l’Indafrique ?
Le Deuxième sommet Inde-Afrique s’est ouvert hier à Addis Abeba, en Ethiopie, en présence du premier ministre indien, M. Singh. Les intérêts des deux parties sont évidemment de pouvoir mutuellement profiter de taux de croissance intéressants (5% en moyenne sur le continent africain durant la décennie 2000, 9% ces dernières années en Inde). Singh a ainsi annoncé une autorisation de crédit de cinq milliards de dollars, alloué à l’Afrique pour les trois prochaines années.
Le fait que l’Afrique attise les convoitises n’est pas nouveau. Beaucoup ont évidemment parlé de la naissance de la Chinafrique, symbolisée par des échanges « bilatéraux » croissants entre les deux parties (plus de 100 milliards de dollars en 2008, contre moitié moins entre Inde et Afrique). Une différence majeure est à noter : alors que ce sont plutôt les entreprises publiques chinoises qui investissent en Afrique (notamment dans le secteur des matières premières), c’est plutôt le secteur privé indien qui « conquiert » le marché africain. Et, de plus, l’Inde, au contraire de la Chine, n’a pas de volonté politique et diplomatique d’établir les contrats avec les pays en marge politique, que ce soit le Soudan, la Somalie, etc. Elle lui propose une technologie disponible, adaptable et peu chère, afin de concourir à un développement humain plus durable et équitable. On retrouve derrière cette posture la politique indienne du temps de Nehru et Gandhi, du temps où le non-alignement était (officiellement) de mise, où les pays du Sud ne semblaient former qu’un seul bloc.
L’Inde n’est donc pas officiellement en concurrence avec la Chine. Le réalisme nous porte à croire qu’un jour ou l’autre, l’Inde aura les mêmes problèmes que la Chine, à savoir comment traiter économiquement avec un pays peu respectueux des droits de l’homme sans nuire à sa souveraineté. Et il y a fort à parier qu’un jour les intérêts chinois et indiens soient en opposition. Pour l’instant, l’Inde n’a pas endossé le rôle du néo-colonisateur, rôle actuellement détenu par la Chine en Afrique (même si elle s’en défend). Elle se pose en défenderesse du continent noir, plaidant pour un siège au Conseil de Sécurité de l’ONU et pour des accords de libre échange entre l’Afrique et elle-même. Si l’Inde tient ses promesses, le défi sera pour l’Afrique de parvenir à s’adapter à cette nouvelle multipolarité dans ses affaires étrangères. Nul doute qu’elle saura adopter une posture adéquate.
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