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La compétitivité allemande en question

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Alors que la France s’apprête à renforcer encore son pacte de responsabilité pour retrouver sa sacro-sainte compétitivité, l’Allemagne a été contrainte d’emprunter le chemin inverse en instaurant un salaire minimum pour stimuler sa demande. Toutefois, la compétitivité allemande, en particulier dans l’industrie et l’agroalimentaire, reste élevée. Les dirigeants européens voient toujours en Berlin le Zeus de l’économie, rôle qu’Angela Merkel se plaît à jouer : n’était-ce pas le but de sa parade en Olympie cette semaine pour saluer le retour d’Athènes sur les marchés ? Après cinq années de débats passionnés entre adulateurs et contempteurs, il est temps de faire le point sur la compétitivité allemande.

En 2013, pour la première fois depuis 2000, la progression du coût horaire du travail en France a été plus lente que celle rencontrée en Allemagne : +0,3% à Paris contre +1,6%, portant le coût horaire français (salaire + charges) à 35,7€ contre 32,9€ outre-Rhin. La différence dans l’industrie manufacturière serait plus importante avec une progression de plus de 2% en Allemagne contre 0,6% dans l’Hexagone. Cette évolution favorable s’explique par la mise en place du CIR (crédit impôt recherches) et du CICE (crédit impôt compétitivité) qui ont permis aux entreprises d’exonérer de leurs impôts un pourcentage de leur masse salariale (4% dans le cadre du CICE), ce qui revient en termes financiers à subventionner les entreprises pour que leurs charges de personnel diminuent. Mais la compétitivité coût explique-t-elle la réussite allemande ? Bien que 3€ par heure sur des milliers d’employés ne soient pas négligeables, pourquoi ne pas investir dans des pays stables politiquement avec des coûts inférieurs comme l’Italie (28,7€), le Royaume-Uni (21,6€) voire la République Tchèque (environ 10€) ?

D’autres atouts expliquent les fortes marges allemandes par rapport aux faibles marges françaises. Pour augmenter son niveau de marge, il faut vendre à un prix supérieur et réduire ses coûts.

–          Pour vendre plus cher, l’Allemagne vend dans du moyen ou haut de gamme alors que la France joue dans l’entrée de gamme, exposée à 100% à la concurrence d’Europe de l’Est et asiatique : c’est le cas dans l’industrie automobile où PSA souffre alors que Volkswagen s’envole.

–          Pour réduire les coûts, l’Allemagne délocalise la phase productive de la chaîne de production en Pologne ou en République Tchèque, bénéficiant ainsi de l’abaissement des droits de douane depuis 2004 entre ces pays, pour réaliser l’assemblage intra-muros avec des ouvriers moyennement qualifiés : Berlin a lancé un vaste plan d’immigration en 2013 pour accueillir 3 millions de travailleurs qualifiés. Elle bénéficie aussi de son important réseau fluvial (13% des transports totaux contre 3% en France) qui est le moyen de transport le moins cher au monde.

–          Enfin, l’Allemagne met en place un système favorable à l’investissement des entreprises : des contrats flexibles, des syndicats négociants et non bloquants, des niveaux d’impôts relativement bas et surtout des conditions de financement uniques : la KFW Bank finance directement les clients des exportateurs allemands, renforçant ainsi la visibilité du fleuron allemand. Libre échange et désengagement de l’Etat, vraiment ?

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