L’Allemagne soutient militairement la France en Syrie : un choix logique que peu assument.
A la suite des attaques de Paris, Berlin a répondu à l’appel de soutient formulé par la France. Mais alors que l’envoi d’aide aux opérations françaises est voté, la chancelière semble avoir proposé le projet à contrecœur et une majorité des allemands ne soutient pas cette décision. Pourquoi cet envoi était prévisible et pourquoi gène-t-il ?
C’est donc un envoi d’un soutient de six Tornados de reconnaissance, d’avions ravitailleurs, d’une frégate et de cinquante soldats envoyés au QG de la coalition contre Daesh pour un total de 1 200 soldats en 2016 qui a été décidé. C’est une aide plus symbolique que décisive mais cela fait plus de deux ans, depuis l’intervention française au Mali, que la France demande à l’Allemagne de s’impliquer un peu plus dans la politique extérieure de l’Europe. Le choc des attentats et la menace qui pèse aussi en Allemagne auront donc poussé Angela Merkel à décider du premier ordre de déploiement qu’elle donne depuis son arrivée au pouvoir en 2005. Avant cela l’Allemagne n’était impliqué qu’en Afghanistan et au Kosovo : un engagement bien maigre si l’on considère son poids politique en Europe.
Ces choix se justifiaient après la Seconde Guerre mondiale et alors que l’Allemagne affrontait le défi de la réunification. Mais alors que 70 ans ont passé et que maintenant Berlin représente, de loin, la première économie européenne et fonctionne quasiment en plein emploi avec un PIB de 3820 milliards de dollars en 2014 contre 2902 milliards de dollars pour la France, il devient de plus en plus gênant de voir l’Allemagne jouer un rôle mineur dans les déploiements militaires à l’étranger. Enfin on peut signaler que l’Allemagne n’a cessé d’investir dans la défense ces dernières années : son budget était de 32,26 milliards d’euros en 2014 contre 31,4 milliards d’euros pour la France. L’armée allemande a donc la légitimité, le budget et les capacités de s’investir à l’étranger.
Il n’en reste pas moins que cette décision met mal à l’aise et pour plusieurs raisons.
La première est la crainte de se voir être entraîné dans une guerre longue qui les exposera à terme à envoyer des troupes au sol et à des attentats plus fréquents en Allemagne. La deuxième est le manque d’expertise : même si Berlin entretient de bonnes relations avec l’Iran et les services secrets syriens, l’habitude est plus à négocier avec les puissances d’Europe de l’Est et la Russie. Les allemands se sont aussi habitués à la paix comme la plupart des européens et l’idée d’entrer en guerre ne leur plaît pas au point que le terme n’a pas été prononcé durant le débat. 54% des allemands sont opposés à l’intervention militaire mais c’est une opinion qui évolue : ils étaient 64% en février. Enfin l’Allemagne n’a peut-être pas les moyens de faire plus : engagé dans des réformes de réduction des coûts pour se donner les moyens de faire des opérations extérieures, l’Allemagne a rogné sur les effectifs et les sites depuis 2010. L’Allemagne dépense 31% de plus en frais de fonctionnement de son armée que la France, et de nombreux véhicules ne sont pas utilisables faute de budget d’investissement : l’Allemagne pourrait par exemple ne mobiliser au maximum que huit Typhoons sur les 109 appareils en service. Une réticence tout autant idéologique que matérielle donc.