Un Brexit qui excite
Depuis l’annonce des résultats du référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union Européenne, c’est stupeur et tremblements à tous les niveaux. Banquiers atterrés, dirigeants européens pressés, leaders britanniques surpris, voire même démocratie contestée, tel est le bilan d’un résultat que beaucoup pensaient improbable.
Excités n°1 : les Européens, pressés d’en finir
Certains parlent d’ores et déjà de mort de l’Europe, pendant que d’autres estiment que celle-ci peut être relancée, mais qu’il faut aller vite. Cette dernière idée mérite d’être étudiée, car en effet le Royaume-Uni était depuis trop longtemps le passager clandestin de l’UE, tant son impact financier était inversement proportionnel à son investissement politique. Le Royaume-Uni n’a jamais joué le rôle politique que sa place de deuxième puissance économique européenne devait lui incomber. Comme si, depuis avoir été refusé par les Pères fondateurs il y a soixante ans, le Royaume a toujours voulu faire peser sur la construction européenne le poids de l’histoire. C’est à l’UE, si ce Brexit venait à être entériné, d’enfin passer à la vitesse supérieure. C’est au pseudo axe latin (comprendre les je-suis-contre-l’austérité-mais-je-l’applique-quand-même) d’enfin retrouver son influence en Europe. Car sinon, l’Allemagne, désormais débarrassée de son principal concurrent économique en Europe, aura officiellement (et non plus seulement officieusement) les mains libres en Europe. Et ne parlons même pas de ceux qui scruteront la destinée britannique dans les prochaines années et qui pourraient être tentés d’abandonner l’aventure européenne s’il était démontré que le Royaume-Uni avait finalement fait le bon choix.
Excités n°2 : Les Britanniques, qui oscillent entre amateurisme et incompréhension
L’autre leçon de ce Brexit, outre les risques de sécession évoqués par ailleurs, c’est que le clivage entre élites dirigeantes et classes populaires et moyennes est toujours aussi latent en Europe. En Angleterre, seule Londres souhaitait se maintenir dans l’UE. Tout le reste, des campagnes aux anciens centres industriels a voté contre ce maintien, pour des raisons diverses. Le vote anti-immigration existe, mais il ne faut pas le surestimer (sinon l’UKIP serait bien plus représenté au parlement britannique). Il y a aussi toute cette frange de déclassés de la mondialisation qui fait porter à l’UE l’accroissement des inégalités et ses difficultés quotidiennes. Nier cela, c’est nier l’évidence. Le Brexit, tout comme le référendum de 2005, n’est pas un vote d’adhésion à une sortie ou à un « moins » d’Europe. C’est un rejet clair et net du rôle des institutions européennes sur le quotidien des Britanniques. Il n’y a que les européistes les plus farouches pour croire que cela est typiquement britannique. Il y a fort à parier qu’un vote sur la sortie de l’euro dans bon nombre de pays européens augurerait du même sort.
Excités n°3 : les pourfendeurs d’un excès de démocratie
Enfin, l’autre leçon pour certains, c’est que le Brexit n’est que la conséquence d’un excès de démocratie. Pour eux, un sujet aussi complexe et grave doit être du ressort des parlements, et non des citoyens. On pourrait leur donner raison, tant les pro-Brexit apparaissent comme des amateurs à la sortie de ce scrutin, ne pouvant donner une réponse simple à la question : qu’est-ce que devient le Royaume-Uni désormais ? Néanmoins, ces personnes n’étaient guère audibles lorsque, malgré un vote net et sans bavure (55% en 2005), les Parlements français et néerlandais avaient nié, quelques années plus tard, les résultats d’un référendum pour préserver le sacro-saint bien-être de l’Europe. Jusqu’à preuve du contraire, nier ce que veut le peuple représente plus un accroc à la démocratie que tout « excès démocratique » dont certains se plaignent à l’issue du Brexit.
Aux dires des eurosceptiques britanniques, le 23 juin est désormais « l’Indépendance Day » britannique. Comme dans le film du même nom, à eux d’éviter désormais l’agonie de leur pays, ou de démontrer que l’UE était autant un « alien » destructeur qu’ils l’ont défendu durant la campagne.