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Le rapport Chilcot, trop vite passé sous silence…

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Une enquête publique britannique de sept ans, résumée sous le nom de « rapport Chilcot », a été dévoilée et a mis au clair les fautes lourdes de l’administration Blair lors de l’invasion de l’Irak en 2003. Malgré les excuses tardives de l’ancien Premier Ministre britannique, le rapport remet en exergue l’une des principales causes de la déstabilisation de la région.

Sept ans d'enquête fouillée mais aux conséquences probablement nulles
Sept ans d’enquête fouillée mais aux conséquences probablement nulles

Le rapport Chilcot dévoile plusieurs faits connus et néanmoins trop vite oubliés. L’invasion anglo-américaine de l’Irak en 2003 s’est basée sur de faux renseignements concernant la présence d’armes de destruction massive et s’est produite alors même que les options diplomatiques étaient loin d’avoir été toutes étudiées. De plus, le rapport Chilcot insiste sur l’absence de tout plan crédible en cas de départ de S. Hussein, comme ce fut manifestement le cas une fois celui-ci arrêté par les forces américaines.

Le rapport, par ses sources documentées, est extrêmement porteur de sens. Oui, Blair s’est laissé fourvoyer par une administration Bush qui faisait de l’Irak la deuxième étape de sa grande guerre contre le terrorisme. Le rapport Chilcot montre que Blair a tenté de refréner les ambitions guerrières de Bush, sans succès. Néanmoins, imaginer le dirigeant d’une grande puissance comme le Royaume-Uni dire que « dix minutes suffisent à chercher des armes de destruction massive, ou l’invasion ne serait pas diffusée par Fox News »* explique en partie le désamour croissant des citoyens (notamment britannique) envers leurs élites politiques… Ses excuses télévisées, ces derniers jours, ne sont l’expression que d’un pathos politique bien insuffisant par rapport au mal causé par une telle intervention mal préparée.

Un rapport pour rien ?

De plus, ce rapport met en exergue que la démocratisation de l’Irak n’était pas un objectif avoué, alors que bon nombre de dirigeants occidentaux affirmaient à l’époque que déboulonner S. Hussein était le meilleur moyen de pacifier et de démocratiser le pays. Car une fois qu’il a été montré qu’il n’y avait pas d‘armes de destruction massive en Irak (raison n°1 de l’intervention), l’axe Londres-Washington s’est empressé de prouver que Saddam n’était qu’un dictateur qu’il fallait s’empresser de destituer, montrant donc que l’Occident « démocratique » devait user de la force pour mettre fin à des décennies de domination d’un tyran soutenant le terrorisme. Or, le rapport Chilcot ne mentionne jamais, tout au long de ses 200 pages, le mot « démocratie » ou « démocratisation », preuve s’il en est que les raisons de l’intervention exposées aux médias pouvaient largement différer des volontés réelles des Américains et Britanniques.

Ainsi, le rapport Chilcot est la suite logique de tout le travail d’enquête effectué par Wikileaks et qui avait ébranlé bon nombre de chancelleries. Néanmoins, les remords exprimés par Tony Blair suffisent à enterrer l’affaire qui, objectivement, mériterait un traitement bien plus approfondi. Une intervention étrangère pour de faux motifs est contraire aux grandes lois internationales défendues par l’ONU. Et pourtant, l’ex premier ministre britannique pourra tranquillement poursuivre son rôle de consultant… au Moyen-Orient, fortement déstabilisé par l’une des plus grandes erreurs stratégiques depuis la Guerre Froide. Ironie du sort, dix ans plus tard, c’est cette intervention en Irak qui a donné un blanc-seing à Poutine pour son action en Crimée, qui n’a pas hésité à rappeler maintes fois que l’Occident s’est bien plus offusqué de son action en Crimée que de celle de 2003…

 

 

*La phrase exacte en anglais est “Blair was insistent that 10 minutes was enough to hunt for WMD – or the invasion would miss Fox News

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