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Le Monténégro, plaque tournante du trafic de cigarettes en Europe

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En entretenant des liens troubles avec les réseaux mafieux et l’industrie du tabac, le Monténégro est devenu un véritable pays de transit pour le trafic de cigarettes en Europe. Un obstacle pour l’adhésion du petit pays des Balkans à l’Union européenne.

Comment le Monténégro est devenu une des plaque tournantes du trafic de cigarettes en Europe
Des liens troubles entre les réseaux criminels du Monténégro et l’industrie du tabac ©Flickr/batintherain

Selon l’OMS, le trafic illégal de cigarettes représenterait environ une cigarette sur dix consommée dans le monde. Pour sa part, la Commission européenne estime que la contrebande de cigarettes ferait perdre l’équivalent de 10 milliards d’euros par an, sous la forme de recettes fiscales et douanières, à l’Union européenne et à ses États membres. La crise économique et la hausse progressive du prix des paquets de cigarettes en Europe a poussé une partie des fumeurs à s’orienter vers le marché noir. Une aubaine pour le Monténégro qui, grâce à une législation avantageuse, a su tirer profit de la situation.

Selon l’agence de tabac du Monténégro, seules 407 tonnes de tabac auraient été vendues dans le pays au premier semestre 2014 alors que 526 tonnes avaient été vendues sur le même laps de temps en 2013. Une perte de 119 tonnes de cigarettes sur seulement un an qui trouverait son explication dans le marché parallèle du tabac. Ce marché dépasserait d’ailleurs le cadre national puisque d’après les informations de l’ICIJ, le Consortium international des journalistes d’investigation, les contrebandiers monténégrins passeraient par les mafias balkaniques et italiennes afin d’acheminer les marchandises vers l’Europe. Même si une partie du trafic s’est déplacée vers la Grèce à partir de 1999, l’OMS classe toujours le petit État des Balkans parmi les principaux pays de transit du trafic de cigarettes à l’échelle européenne.

Des liens troubles entre les trafiquants et l’industrie du tabac

Un trafic lucratif, non seulement pour les trafiquants eux-mêmes, mais également pour les industriels du tabac. En effet, le collectif de journalistes indépendants We Report relate que dans certains kiosques officiels de la marque Marlboro au Monténégro, il est possible de se procurer des paquets de cigarettes comportant un timbre fiscal serbe. Ces cigarettes seraient directement importées depuis la ville de Nis en Serbie où se situe la Duvanska Industrija, la plus grande fabrique de tabac du pays, qui est majoritairement contrôlée par le groupe Philip Morris.

Depuis 2013, Philip Morris s’est également installé à Podgorica, la capitale du Monténégro. Problème, Roksped, le distributeur public monténégrin est réputé pour entretenir des relations avec les réseaux mafieux du pays. Après avoir utilisé l’entreprise pour organiser un trafic de cigarettes, le frère du directeur de l’entreprise d’Etat a lui-même été condamné à trois ans de prison avant d’être mystérieusement assassiné au Soudan. Les liens entretenus par l’industrie du tabac et les organisations criminelles balkaniques se révèlent donc particulièrement opaques.

Le poids du lobby du tabac dans les politiques européennes

Mais ces liens ne s’arrêtent pas à ces deux seuls acteurs. Il semblerait qu’au plus haut sommet de l’État, la corruption batte son plein. L’ancien président monténégrin, Milo Djukanovic, a lui-même été accusé d’organiser le trafic de cigarettes du temps du « Montenegro Connection ». Du fait de son immunité diplomatique, il n’a toutefois jamais été inquiété par la justice. Un sort pas très différent de celui rencontré par les trafiquants de cigarettes qui échappent souvent à la prison. Un véritable malaise à l’heure où, après avoir adhéré à l’OTAN, le Monténégro négocie pour intégrer l’Union européenne, et devra donc faire des efforts conséquents pour améliorer sa politique anti-fraude et devenir plus transparent.

Par ailleurs, en 2000, la Commission européenne a porté plainte contre Philip Morris et trois autres grands industriels du tabac pour s’être prétendument servi du Monténégro afin d’organiser le trafic de cigarettes à travers la mer Adriatique et à destination de l’Union Européenne. Un accord financier a finalement été trouvé entre les parties, et les marques se sont engagées à rembourser les pertes causées à certains États et à verser, chaque année, des millions d’euros afin de financer la lutte anti-fraude au niveau européen. Résultat : plus de 2 milliards d’euros ont déjà été injectés dans la lutte contre la contrebande par les industriels du tabac, qui bénéficient donc désormais d’un moyen de pression financier sur l’OLAF (Office européen de lutte anti-fraude). Par ailleurs, la traçabilité des cigarettes devait être améliorée selon l’accord conclu en 2010. Mais il semblerait que celui-ci ne permette toujours pas d’assurer un suivi efficace des produits en Europe puisque de nouvelles mesures de traçabilité seront renégociées d’ici 2019.

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