Accord de coopération structurée permanent : un pas supplémentaire vers une défense européenne crédible ?
Le lundi 13 novembre 2017, 23 pays européens ont signé les bases de ce qui pourrait se révéler un pas supplémentaire vers la construction d’une Europe de la défense . Largement fondée sur une mutualisation des moyens (plateformes logistique, rationalisation de budgets), la signature de l’accord de « coopération structurée permanent » pourrait permettre à terme une capacité de déploiement de troupes européennes. En l’état, il pose les bases d’une mutualisation accrue des moyens de défense, tant en termes industriels (R&D) que de projection de puissance.
Un nouveau souffle pour l’Europe, son industrie de défense et sa capacité de projection de forces.
« Personne ne va résoudre à notre place les problèmes de sécurité dans le voisinage de l’Europe. Nous devons le faire nous même ». La déclaration d’Ursula von Meyer, ministre de la défense Allemande , signe la prise de conscience de la nécessité de construire une Europe de la défense. Initiative portée par les chancelleries française et allemande, l’accord de « coopération structuré permanent » (CSP) réunit 23 pays européens, soucieux de renforcer les initiatives communes en matière de défense.
Ce large consensus est une réponse aux récentes évolutions de l’équilibre mondial. Le désintérêt des Etats-Unis pour le Vieux Continent et la persistance de menaces nouvelles (Ukraine, EI) imposent à l’Europe de gagner en autonomie dans la mise en oeuvre de sa défense. Dans un contexte de perte de vitesse des initiatives otaniennes, l’Europe doit pouvoir disposer en propre d’une structure lui permettant de bâtir des politiques de défense abouties – c’est-à-dire partant d’une politique industrielle de défense commune, passant par un soutien logistique mutualisé pour aboutir à un commandement intégré des opérations. L’opération « Atalante» de lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes est à cet égard un exemple réussi d’initiative militaire menée sous pavillon de l’UE depuis 2009.
La préservation des capacités d’engagements de l’UE reste guidée par des impératifs budgétaires. Les opérations conduites au Mali, en Centrafrique ou en Méditerranée orientale nécessitent la mise en place d’un soutien logistique conséquent (ravitaillement, essence) que les restrictions budgétaires fragilisent. A titre d’exemple, le déploiement du groupe aéronaval français en Méditerranée en 2016 a souffert d’un manque de moyens logistiques au regard de la faible disponibilité de nos pétroliers-ravitailleurs, dessinant le visage d’une défense peu autonome. Avec la CSP, c’est l’autonomie stratégique de l’Union qui est ainsi visée. Elle sera atteinte en évitant la fragmentation budgétaire au profit d’une mutualisation accrue des grands projets de défense.
Une initiative dont le format reste à définir : politique d’intégration européenne ou task force resserrée ?
La mosaïque des pays formant cette alliance reste le premier défi de cette coopération. La France insiste pour qu’un niveau d’engagement élevé y soit maintenu, en direct soutien des ses opérations extérieures. Elle militait ainsi pour la constitution d’un groupe resserré de pays, opérationnel, rodé aux projections de force et capable d’agir efficacement. C’est la vision allemande d’une plus large association qui l’a finalement emportée, motivée par la volonté de réaliser de réelles économies d’échelles. Soucieuse de garder le contrôle sur ses opérations extérieures, l’Allemagne perçoit ainsi cette alliance comme une possibilité supplémentaire d’intégration des pays européens, en les fédérant autour de grands projets industriels. Une plateforme logistique opérationnelle devrait ainsi voir jour, dans la continuité des missions soutenues par la Bundeswehr.
Cette politique commune de défense constitue en effet un moyen d’intégration des pays européens. Par crainte de voir se dessiner une Europe à deux vitesses, nombre de pays ont compris que le prix à payer pour rester au coeur de l’Europe était la participation à cette coopération renforcée. Des pays baltes aux rivages de la Méditerranée, un large consortium a ainsi vu le jour, mû par des intérêts communs et renforçant tant la solidité de l’Union européenne que son poids au sein du concert des nations.
S’il ne s’agit pas encore de la constitution d’une armée européenne, la signature de cet accord témoigne d’une réelle volonté d’avancer, tant dans le domaine de la coopération militaire que dans le renforcement de l’union. Toutefois, en matière de défense, il n’y pas pas d’amis, peu d’alliés mais uniquement des intérêts partagés. C’est sur le fondement de ces intérêts communs que s’élèvera l’Europe de la défense de demain.