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Finlande : 100 ans d’une neutralité à toute épreuve

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La Finlande est devenue indépendante, de la République de Russie,  le 6 décembre 1917. Les Finlandais étaient alors bien décidés à jouir pleinement de leur indépendance après avoir été successivement sous l’autorité de deux puissances voisines. En effet, avant de devenir le Grand-duché de Finlande en 1809, le pays était déjà colonisé par la Suède, et ce depuis six siècles.  

Entre Europe et Russie, la Finlande s’est distinguée par sa neutralité depuis son accession à l’indépendance. Comment expliquer ce choix stratégique ? Qu’en est-il de sa politique de défense aujourd’hui ?

La « ligne Paasikivi », origine de la neutralité finlandaise

La neutralité finlandaise est un héritage datant de l’après Seconde Guerre mondiale. Le pays doit cette politique à Juho Kusti Paasikivi, président de mars 1946 à mars 1956. Ce conservateur a adopté une position réaliste ménageant aussi bien les relations avec les États-Unis, que celles avec l’URSS. La proximité géographique avec l’URSS – les deux États partagent une frontière terrestre de 1340km -, ainsi qu’une histoire passée tumultueuse, l’a poussé à refuser le Plan Marshall, et à ne pas adhérer à l’OTAN. Bien décidé à ne pas laisser son pays devenir un « État satellite », il a signé l’Accord d’amitié et de coopération et d’assistance mutuelle (Traité YYA) en 1948 avec l’URSS.

Malgré cette bonne volonté, on ne peut pas nier que la Finlande a été sous tutelle soviétique durant la Guerre froide. C’est même de cette page de l’histoire que vient le terme « finlandisation », qui fait référence à l’influence que peut avoir un pays puissant sur la politique extérieure d’un plus petit pays voisin. Cette épisode, ainsi que la proximité géographique avec la Russie, ont eu une influence sur la politique de défense du pays.

Une armée professionnelle, qui compte énormément sur ses conscrits.

Quand on parle de la Finlande, c’est souvent pour évoquer son soft power, ses aurores boréales, ou encore ses réformes économiques – le pays teste le revenu universel depuis janvier 2017. Néanmoins, il ne faut pas négliger son hard power, et donc son armée. Même après la chute de l’URSS, Helsinki reste persuadé que l’État doit conserver sa doctrine de « guerre complète » et, surtout, qu’il ne peut compter que sur lui-même en cas de conflit.

C’est donc un des seuls pays européens où la conscription est obligatoire pour les hommes (1). Elle reste sur la base du volontariat pour les femmes. Chaque année, on compte environ 20 000 conscrits masculins, et environ 400 femmes. L’armée finlandaise compterait donc 34 700 actifs, et aurait une armée de réserve composée de 350 000 soldats. De plus, l’armée finlandaise est dotée d’équipements modernes. Elle dispose, par exemple, d’avions de combat américains F/A-18 Hornet.

La Finlande est le pays nordique ayant l’armée la plus complète. Sa flotte, ainsi que son armée de l’air, forment un outil plutôt dissuasif. Néanmoins, son bras armé reste moins fort que celui de la Russie.

Depuis l’annexion de la Crimée en 2014, la méfiance vis-à-vis du voisin russe s’est intensifiée.

La neutralité de la Finlande est en effet mise à mal depuis plusieurs années. Tout comme l’Ukraine, le pays subit des campagnes de désinformation venant des médias financés par le Kremlin. Un des thèmes favoris est la discrimination supposée de la minorité russophone en Finlande. Face à cette nouvelle forme de guerre hybride, la société finlandaise est unie et résiste. A titre d’exemple, on peut évoquer la suspension des activités de Sputnik en finnois, le 11 mars 2016.

Malgré cette capacité de résilience Helsinki a réalisé que faire cavalier seul n’était sans doute pas la meilleure stratégie. Les ministres de la Défense de Norvège, du Danemark, de la Finlande et de la Suède, ainsi que le ministre des Affaires étrangères de l’Islande ont signé une déclaration commune le 10 avril 2014. Dans celle-ci, ils appellent à un renforcement de la coopération militaire face à un « comportement russe représentant le plus grave des dangers pour la sécurité européenne ». L’ombre russe ne suffit donc pas à pousser la Finlande vers l’OTAN. Elle mise plutôt sur des ententes militaires régionales. Par exemple, elle prévoit la mise en place d’une task force navale bilatérale avec la Suède, d’ici 2023.

De son côté, plutôt que de chercher à rassurer la Finlande, la Russie continue à l’intimider pour empêcher une adhésion à l’OTAN. Des avions russes ont même violé l’espace aérien finlandais plusieurs fois. Tout prête à penser que la Finlande n’avancera pas sur ce sujet avant les élections de 2019. Les Finlandais tenant trop à leur indépendance, le gouvernement ne cherchera pas à se brûler les ailes sur ce sujet. De plus, Helsinki ne veut pas mettre fin aux échanges commerciaux, même si ceux-ci ont beaucoup diminué depuis quelques années (-52% en 2016 par rapport à 2008). Le pays nordique continue à dépendre de la Russie d’un point de vue énergétique.

(1) C’est aussi le cas en Autriche, en Grèce, en Norvège et en Suisse.

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