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Un traité international sur les pandémies, panacée du multilatéralisme ?

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« Nous devons aller plus loin et tirer les leçons de la pandémie, […] il est absolument crucial de pouvoir agir plus vite et de façon plus coordonnée ». Charles Michel, président du Conseil européen, s’était ainsi exprimé lors du Forum de Paris sur la paix en novembre 2020. Il appelait de ses vœux un traité international sur les pandémies. Qu’en-est-il actuellement ?

Un traité international sur les pandémies sur initiative de l'OMS
L’OMS et l’UE alliées pour un traité international sur les pandémies

Lors d’une conférence de presse conjointe en date du 30 mars 2021, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus et Charles Michel ont plaidé pour la mise en place d’un traité international sur les pandémies. Cet appel, soutenu par vingt-cinq chefs d’Etat et de gouvernement, dont la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron, met en lumière un constat : « aucun pays, aucun continent ne peut vaincre une pandémie à lui seul » [1]. Ce traité propose une réponse globale, unie et coordonnée à la pandémie actuelle de Covid-19 mais également, aux prochaines pandémies.

Ce projet de traité pourrait s’adosser à la Constitution de l’OMS (1946) et spécifiquement, au Règlement sanitaire international (RSI-2005). Celui-ci est l’instrument juridique autour duquel l’OMS structure son action en matière de sécurité sanitaire et « d’urgence de santé publique de portée internationale ». Le RSI a pour objectif de prévenir la propagation internationale des maladies, quelles qu’elles soient. Il vise également à améliorer le système mondial d’alerte et de surveillance et de coordonner une action internationale. Il ne dispose malheureusement pas d’un mécanisme de contrainte lorsque les Etats ne respectent pas leurs engagements. Seules la pression des pairs et l’opinion publique jouent le rôle d’outils de dissuasion.

Des dispositifs à l’initiative de l’OMS

Un tel traité permettrait de renforcer la coopération internationale, notamment au niveau des mécanismes d’alerte et de l’amélioration de la réaction. C’est en ce sens que les mécanismes actuels prévus par l’OMS, à savoir l’accélérateur d’accès aux outils contre la Covid-19 (dispositif ACT) et le mécanisme COVAX, devaient permettre de réduire les inégalités entre les nations et encourager la solidarité internationale. Le dispositif ACT consent au partage de la propriété intellectuelle quant à la production des vaccins dans le monde entier. Et le mécanisme COVAX mutualise les achats de vaccins afin d’en garantir un accès juste et équitable sur toute la planète. En l’état actuel, ces initiatives et bonnes volontés devaient aider à promouvoir le multilatéralisme comme réponse à la crise sanitaire.

La volonté des Etats, pierre d’achoppement au traité

Il convient de constater que les difficultés de production et d’approvisionnement en vaccins, ainsi que les velléités de certains Etats à conclure des accords de gré à gré avec les laboratoires concernés, limitent, de facto, l’émergence d’une solution mondiale juste et équitable. De plus, tout cela souligne une inclinaison des Etats pour l’unilatéralisme et la défense des intérêts souverains en priorité. Ainsi, ce sont de réelles lignes de fracture qui se manifestent entre les pays occidentaux, la Russie et la Chine. Une véritable course aux vaccins a lieu entre ces différents blocs, et le vaccin, en tant que tel, est devenu une arme de « soft-power », un outil d’influence au service des Etats pouvant se permettre d’en exporter.

Les brevets, derniers remparts à une action internationale

Enfin, reste la question des brevets, qui empêchent la possibilité de fabriquer des vaccins mondialement. L’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) touchant les Aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC, 1994) remplit un rôle majeur dans la protection de la création intellectuelle. Il confère un droit exclusif sur l’utilisation de celle-ci. La Déclaration de Doha (2001) permet, dans le domaine de la santé publique, de déroger à ces droits exclusifs. L’activation de la licence obligatoire (article 31 bis ADPIC) est une possibilité et ce, sans l’accord du détenteur du brevet. Il est cependant nécessaire de justifier d’une situation « d’urgence nationale » et d’un réel besoin pour les pays ayant de faibles capacités de développement d’un soin ou d’un traitement. Toutefois, l’activation de la licence obligatoire reviendrait à entamer une bataille avec d’autres grandes puissances, notamment les Etats-Unis, qui accueillent deux sociétés ayant produit des vaccins déjà administrés aux populations. Cette option pourrait se solder par un risque de rétorsions américaines.

Certaines initiatives de la société civile proposent la possibilité que le vaccin devienne un « bien public mondial » [2], au même titre que la biodiversité ou l’air. Les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Japon, l’Inde et le Brésil n’ont pas co-signé la tribune. Ceci semble indiquer que le projet de traité et plus largement, la coopération internationale, seront difficiles à mettre en œuvre, tant le système international paraît fragmenté.

Sources :

[1] Tribune commune.

[2] « La théorie pure des dépenses publiques », Paul Samuelson, 1954.

Global leaders unite in urgent call for international pandemic treaty (who.int)

Intervention Charles Michel et Tedros Adhanom Ghebreyesus

Covid-19 : bientôt un « Traité international sur les pandémies » ? (la-croix.com)

Mécanisme COVAX

OMC | Propriété intellectuelle – ADPIC et santé publique (wto.org)

Les brevets, obstacle aux vaccins pour tous, par Frédéric Pierru, Frédérick Stambach & Julien Vernaudon (Le Monde diplomatique, mars 2021) (monde-diplomatique.fr)

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Cédric GOUDEAGBE

est diplômé d'un master 2 en droit public, mention défense et sécurité. Intéressé par les relations internationales, les questions de défense et l'Afrique.

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