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Mark Rutte : le bilan économique de 13 années au pouvoir (2/4)

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Le 7 juillet 2023, le premier ministre néerlandais Mark Rutte a présenté sa démission. Cette décision découle d’une série de désaccords persistants au sein de la coalition gouvernementale parmi lesquels figure, au premier rang, la politique d’asile. Couramment surnommé “Téflon” pour sa capacité de résilience politique, Mark Rutte se retire finalement après 13 longues années à la tête du gouvernement des Pays-Bas, record de longévité pour le pays. Quel bilan économique tiré de son passage à la tête du gouvernement néerlandais ?

Mark Rutte, la mise en place de la politique d’austérité

Photo du cabinet Rutte I en 2010. Via Wikimedia
Photo du cabinet Rutte I en 2010. Via Wikimedia

L’ascension au pouvoir de Mark Rutte reflète la volonté des électeurs néerlandais d’assainir les finances publiques du pays. Ainsi, l’un des principaux axes des gouvernements Rutte est la réduction du déficit budgétaire des Pays-Bas.

Cependant, Mark Rutte se trouve rapidement confronté à l’échec de la coalition gouvernementale. Les trois partis du cabinet Rutte I (PVV et CDA, soutenus sans participation par le VVD) ne parviennent pas à s’entendre sur les économies budgétaires à réaliser en vue de ramener le déficit public néerlandais en dessous du seuil des 3 % du PIB, conformément au Pacte européen de stabilité et de croissance. Geert Wilders se retire en déclarant que « ce projet n’était pas dans l’intérêt des électeurs du PVV ». 

En septembre 2012, de nouvelles élections anticipées se tiennent afin de former un nouveau gouvernement capable d’atteindre ces objectifs. Mark Rutte et le VVD progressent, remportant 10 sièges supplémentaires. Une nouvelle coalition gouvernementale prend place, associant le Parti travailliste (PvdA) de Diederik Samsom et le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) de Mark Rutte. Cette coalition détient la majorité à la Seconde Chambre des États généraux avec 79 des 150 représentants. Le gouvernement Rutte II peut ainsi entamer sereinement la mise en œuvre de sa politique d’austérité.  

Afin d’effectuer des économies budgétaires, Mark Rutte et son gouvernement mènent différentes actions, allant des coupes budgétaires, notamment sociales, aux réductions d’effectifs dans l’administration, en passant par le relèvement de l’âge de départ à la retraite. Parallèlement, Mark Rutte poursuit la politique de fusion des communes, entamée par son prédécesseur, Jan Peter Balkenende. 

Fort de ces résultats positifs, il entreprend certains investissements stratégiques. Le gouvernement déploie notamment le plan Delta 2015 visant le renforcement de près de 200 digues d’ici à 2050. Il procède également à l’acquisition de nouveaux avions de combat F-35 en remplacement des vieillissants F-16.

Mark Rutte, l’art de la maîtrise budgétaire

Conséquemment à la politique d’austérité menée par Mark Rutte, les Pays-Bas passent, dès 2013, sous la barre des 3 % de déficit budgétaire rapporté au PIB. Selon CountryEconomie, entre la crise des subprimes et l’année précédant la pandémie de la COVID-19, le déficit budgétaire est passé de -5,2 % (2009) à un excédent de 1,8 % (2019). De plus, Mark Rutte réussit à maintenir un déficit budgétaire relativement bas pendant la période pandémique, ne s’élevant qu’à -0,10 % en 2022. 

À travers la diminution du déficit budgétaire, le gouvernement Rutte vise également à alléger la dette publique néerlandaise. En effet, le précédent gouvernement, le cabinet Balkenende IV, recourt massivement à l’endettement pour faire face aux répercussions de la crise sur l’économie néerlandaise. Entre décembre 2007 et 2010, ce dernier grimpe de 43 % à 59,30 % du PIB, soit une augmentation de plus de 112 milliards d’euros en seulement trois ans. En 2010, la dette publique néerlandaise culmine à plus de 378 milliards d’euros.

Afin de faire face à la crise économique, Mark Rutte poursuit initialement la politique d’endettement de son prédécesseur. La dette publique atteint son point culminant en décembre 2014, représentant 67,90 % du PIB et totalisant 455 milliards d’euros. Par la suite, à l’exception de 2020 où des mesures ont été prises pour faire face à la crise de la COVID-19, la dette publique rapportée au PIB décroît graduellement d’année en année. En décembre 2022, elle se situe à 50,10 % du PIB. Cette diminution se justifie principalement par la très forte croissance du PIB des Pays-Bas sur la période. En décembre 2022, la dette publique néerlandaise s’élève à plus de 480 milliards d’euros. 

Ainsi, la politique d’austérité menée par Mark Rutte permet aux Pays-Bas de diminuer leur déficit public et leur niveau d’endettement, conformément au principal objectif de campagne du VVD, en 2010. Cependant, le faible degré d’investissement visant directement la population a progressivement suscité son mécontentement. Les décisions opérées par Mark Rutte et ses gouvernements successifs font l’objet d’une remise en question croissante des électeurs.

Des indicateurs économiques néerlandais flatteurs

Classement des vingt premières puissances économiques mondiales (2022). Données issues de la Banque Mondiale.
Classement des vingt premières puissances économiques mondiales (2022). Données issues de la Banque Mondiale.

Avec un PIB s’approchant de 1 000 milliards d’euros, la création de valeur néerlandaise a grandement progressé sous Mark Rutte. Selon la Banque mondiale, l’économie des Pays-Bas occupe actuellement la 18e place mondiale et la 5e de l’Union européenne (UE). De surcroît, depuis le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020, le poids du PIB néerlandais au sein de l’Europe a fortement augmenté, représentant désormais plus de 6 %. 

Sur la période 2010-2022, le PIB néerlandais enregistre une hausse de 318 milliards d’euros. Tandis que ce dernier s’élevait à près de 640 milliards d’euros en 2010, il s’élève aujourd’hui à 958 milliards d’euros. 

Cette trajectoire ascendante du PIB ne reflète que partiellement la réalité de la croissance économique néerlandaise sur cet intervalle.

Sur la période récente, les Pays-Bas connaissent de très bons résultats. En effet, la gestion gouvernementale de la sortie de la pandémie souligne une croissance économique néerlandaise particulièrement robuste. Cette dernière atteint respectivement 6,2 % et 4,3 % en 2021 et 2022. Elle est même l’une des meilleures parmi les pays développés. L’Allemagne (1,8 %), les États-Unis (1,9 %), la France (2,5 %) ou encore la Chine (3 %) sont inférieurs au 4,3 % de croissance des Pays-Bas, en 2022. De plus, la gestion pandémique du cabinet Rutte III (2017-2022) est également une des meilleures statistiquement de l’Union européenne. Tandis que la croissance de l’UE a chuté à 5,7 %, les Pays-Bas l’ont limitée à 3,9 %, en 2019. La résilience de l’économie néerlandaise a été exemplaire sur la période.

Cependant, la croissance économique néerlandaise connaît d’importantes fluctuations sous les gouvernements successifs de Mark Rutte. La relance post-crise de 2009 s’est révélée complexe, marquée par une croissance faiblement négative en 2012 et 2013. Les divergences d’opinions au sein de la coalition minoritaire du gouvernement Rutte I ont probablement contribué à cette situation. Dès lors, les Pays-Bas ont eu besoin de plusieurs années avant de pleinement s’en remettre et d’arborer les chiffres de croissance actuels. Les gouvernements succédant au premier cabinet Rutte ont grandement contribué positivement à l’amélioration de la croissance néerlandaise. 

En ce qui concerne les inégalités, les Pays-Bas se classent parmi les très bons élèves de l’Union européenne. Tandis que la moyenne européenne est de 30,1 en 2021, ils affichent un coefficient de Gini de 26,4. Les Pays-Bas occupent la sixième place européenne en termes d’inégalité à l’échelle nationale. Cependant, il convient de noter que cette situation ne découle pas spécifiquement des actions entreprises par Mark Rutte. En effet, entre 2011 et 2021, le coefficient de Gini néerlandais a même augmenté de 0,6 %.

Ainsi, la maîtrise budgétaire des gouvernements menée par Mark Rutte semble s’être exercée au détriment de la réduction des inégalités néerlandaises. La création de valeur des Pays-Bas a indéniablement fortement progressé. La gestion économique de la pandémie a également été très bonne. Cependant, la réduction des inégalités a quant à elle péché. Quels en sont les autres résultats, notamment sur la population et le marché du travail néerlandais ?

Un taux de chômage en baisse…

La situation sur le marché de l’emploi néerlandais a grandement évolué depuis la première élection de Mark Rutte, en 2010. Les politiques libérales des différents gouvernements ainsi que le contexte socio-économique néerlandais ont entraîné une fluctuation importante du taux de chômage des Pays-Bas.

Entre 2010 et 2014, le taux de chômage suit une trajectoire croissante. Selon la Banque mondiale, les Pays-Bas atteignent un pic de 7,4 % de la population active au chômage en 2014. Cette période coïncide avec la conjoncture économique délétère des Pays-Bas. Elle se caractérise par une croissance néerlandaise négative ou très faible et un niveau d’endettement croissant. 

Évolution du taux de chômage des 5 plus grandes puissances européenne entre 2000 et 2022. Issue des données de la Banque Mondiale.
Évolution du taux de chômage des cinq plus grandes puissances européennes entre 2000 et 2022. Données issues de la Banque Mondiale.

Après 2014, la conjoncture économique des Pays-Bas s’inverse. La coalition gouvernementale du cabinet Rutte III (VVD, CDA, D66, CU) contribue grandement au rétablissement de l’économie néerlandaise.

À l’exception des années 2020 et 2021, marquées par les conséquences économiques de la pandémie sur les entreprises, le taux de chômage néerlandais connaît une diminution constante. En 2023, il s’établit à seulement 3,6 %.

Au sein de l’UE, seuls 5 pays affichent de meilleurs résultats en 2023 : l’Allemagne (3 %), Malte (2,7 %), la Pologne (2,8 %), la République tchèque (2,5 %) et la Slovénie (3,5 %). 

Les tensions du marché du travail néerlandais

Néanmoins, le faible taux de chômage semble dissimuler d’importantes tensions sur le marché du travail des Pays-Bas. 

Tout d’abord, une part importante des travailleurs néerlandais occupe des emplois à temps partiel. Ils se caractérisent par des horaires de travail réduits par rapport aux emplois à temps plein et sont généralement associés à des salaires moins élevés ainsi qu’à une certaine instabilité tant pour l’employeur que pour le salarié. Selon Eurostat, 38,4 % de la population active néerlandaise travaille à temps partiel, en 2022. À titre de comparaison, seule la Suisse (38,7 %) dispose d’un taux supérieur aux Pays-Bas, au sein de l’Europe. 

De plus, selon une publication du quotidien français Les Echos, la principale problématique du marché du travail néerlandais réside dans le nombre élevé d’emplois vacants. En effet, actuellement aux Pays-Bas, 123 postes sont vacants pour 100 personnes au chômage. Cette disparité entre l’offre et la demande crée un surplus de besoins des entreprises non satisfaits par la population locale. Ainsi, le recours des entreprises à l’immigration est devenu fréquent pour combler la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activités. Parallèlement, les salariés se trouvent en position de force et les augmentations de salaires sont dernièrement très présentes au détriment des entreprises néerlandaises. 

Enfin, bien que les Pays-Bas aient traditionnellement privilégié le dialogue social et les organisations syndicales pour résoudre les conflits à propos du marché du travail, les tensions actuelles suscitent de plus en plus de grèves. Le contexte socio-économique marqué par l’inflation ou les pénuries de logements contribue également au mécontentement général de la population. 

Les tensions du marché du travail néerlandais représenteront probablement un défi majeur pour le successeur de Mark Rutte.

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Esteban MORON

est étudiant à Kedge Business School. Passionné par la géopolitique, il s'intéresse notamment aux relations internationales de l'Union européenne et de ses pays membres.

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