La Russie immobile rêve de changement après l’élection de Poutine
La Russie s’éveille avec la gueule de bois. Tout devait changer : rien ne changea. Tout devait se renouveler : rien de nouveau. L’espoir devait renaître : les regrets des uns ne consoleront pas les remords des autres.
Les résultats en disent beaucoup. Que Poutine obtienne 99.74% des voix en Tchétchénie, terre brûlée après la sanglante répression qu’il a orchestrée contre les indépendantistes tchétchènes, surprend moins que les 92% en Ingouchie, les 92.8% au Daghestan, les 90% à Touva. Ces résultats soviétiques marquent la réussite de la lutte contre l’opposition du régime durant 12 ans. Sans concurrent, le régime put se maintenir. Si l’on y ajoute la corruption, le bourrage des urnes et la propagande médiatique, il est à douter que le régime russe soit purement démocratique.
Ne nous y méprenons pas : tout poutinien qu’il soit, le cauchemar qu’est l’histoire soviétique est partagé par une majorité de la population. Certes, l’URSS pesait dans le monde et c’est certainement ce souvenir héroïque d’un passé national pas si lointain qui motive les votes des adeptes de Vladimir. Mais l’héritage était si lourd, la pauvreté si répandue, la terreur si grande que seul un pouvoir fort, incarné par un homme farouchement antisoviétique, peut rassurer.
On prend les mêmes et on recommence. Le même homme, le même parti, les mêmes institutions, les mêmes modes de gouverner. Néanmoins, cette fois, les cartes ont été redistribuées. A force de dénoncer la corruption, le président sortant Medvedev a suscité un espoir au sein de la classe moyenne russe. En septembre, il laissa sa place à Poutine et les révoltes grondèrent. Les classes moyennes veulent que les choses changent. Mais elles ne sont pas les seules, et c’est le deuxième changement : dans les rêves des plus riches, Poutine n’apparaît plus. Les riches promoteurs du gaz, des minerais, de l’industriel russe, frauduleux héritiers des privatisations opérées dans les années 1990, veulent protéger leurs capitaux d’un pouvoir arbitraire. C’est pourquoi Mikhaïl Khodorkovski, alors première fortune russe, s’opposa à Vladimir Poutine il y a neuf ans. Depuis, à sa villa succède la prison. C’est pourquoi Mikhaïl Prokhorov, troisième fortune du pays, s’est porté candidat et a tenté de se rallier les classes moyennes.
Dans l’immobilisme du géant russe naît une petite lueur d’espérance.