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Aux origines de l’Union Européenne : l’évolution du concept d’Europe unie (1/2)

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La construction européenne ne s’est pas faite en un jour. Par-delà les siècles, l’Europe s’est construite en suivant les idées de plusieurs penseurs à travers le monde pour aboutir au modèle que l’on connaît aujourd’hui. Qui-sont les précurseurs d’une Europe unie ?

Au Moyen-Âge : une Europe unie par la religion ou la force armée 

Dante Alighieri, "le père de langue italienne" a contribué aux premières idées d'une Europe unie.
Dante Alighieri. Via Wikipedia Commons

Le début du XIVᵉ siècle est caractérisé par un contexte politique, économique et social délétère dû à la crise de la fin du Moyen Âge. C’est dans cette période d’incertitude que les premières évocations d’unité européenne apparaissent. Elles sont généralement attribuées au poète florentin « père de la langue italienne », Dante Alighieri, et au juriste français Pierre Dubois à travers le concept de persistance des États (européens) sous une entité politique supérieure.

À cette époque marquée par l’omniprésence de la religion dans la société, Pierre Dubois envisage la persistance de la paix au sein de la chrétienté par le rassemblement des États européens sous l’autorité du suzerain français. Il évoque également la création d’un concile dont l’objectif serait d’arbitrer les conflits et d’harmoniser les procédures particulières de justice des États. De son côté, Dante Alighieri envisage une « société universelle du genre humain » qui prendrait la forme d’un gigantesque empire fondé sur le modèle de la citoyenneté romaine et de ses droits étendus.

L’époque des temps modernes : le modèle de confédération européenne

Progressivement, l’idée d’Europe unie fait son chemin dans l’esprit de certains penseurs. L’humaniste Erasme en fait partie. Il est communément considéré comme le premier européen. Stefan Zweig le décrit tel qu’étant à l’origine d’une nouvelle culture européenne. Il écrivait :

« Avec la république des lettres d’Erasme naissait une nouvelle culture européenne, et cette fois ce n’était pas la vaine gloire d’une nation, mais le bien-être de l’humanité tout entière que visait fraternellement une soupe d’idéalistes. Cette aspiration des esprits à une union spirituelle, ce rapprochement des langues par le truchement d’une langue universelle, ce besoin d’une réconciliation définitive des nations entre elles, ce triomphe de la raison, c’est aussi le triomphe d’Erasme ! ».

Le siècle suivant (XVIIᵉ siècle) voit l’émergence de projets d’unité européenne à travers une organisation de l’Europe sous la forme d’une confédération. Ainsi, Maximilien de Béthune, duc de Sully, conseille à Henri IV le redécoupage de l’Europe en quinze États placés sous l’autorité d’un conseil. De son côté, l’homme politique américain William Penn développe un modèle de confédération européenne autour d’un parlement composé de représentants d’États européens dont la répartition des places correspondrait au poids économique et politique de chaque État au sein de l’Europe.

Le siècle des lumières : la diffusion des idées européennes

À l’époque des Lumières, l’Europe devient progressivement un espace commun. De Paris à Vienne en passant par Rome, le XVIIIᵉ siècle voit s’échanger aussi bien des marchandises que des productions culturelles. Un art de vivre à l’européenne prend forme et de nombreuses personnalités culturelles de premier plan s’attèlent à formaliser ce sentiment d’ensemble en une nouvelle entité politique.

Dans Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe, l’Abbé de Saint-Pierre envisage l’Europe unie par une alliance stratégique entre souverains. Ainsi, chaque souverain et État membre devait soutenir financièrement l’alliance et contribuer à sa force armée. Une Diète d’Europe devait permettre de prendre les décisions importantes tout en assurant la mise en œuvre de la juridiction commune.

Quelques années plus tard, Jean-Jacques Rousseau rebondit sur les idées de l’Abbé de Saint-Pierre et évoque la nécessité de satisfaire une condition préalable à tout projet européen : la représentativité de chaque peuple par un suzerain, dans sa nation. Ainsi, une alliance européenne ne représenterait pas uniquement l’accord de certains suzerains mais celui de l’ensemble des peuples nationaux représentés par leurs suzerains.

Également inspiré par l’œuvre de l’Abbé de Saint-Pierre, Emmanuel Kant publie son Essai philosophique sur la paix perpétuelle. Pour le philosophe allemand, un tel projet d’Europe unie ne peut voir le jour sans la volonté commune des peuples de s’associer pour surmonter l’état de guerre. De plus, il souligne l’importance du droit pour assurer la coopération des nations et encadrer les échanges économiques.

Le début du XXᵉ siècle : après la première guerre mondiale, le projet Briand et la crise économique

Aristide Briand, l'homme au projet avant gardiste d'Europe unie
Aristide Briand, homme politique français à la pensée européenne. Via Wikipedia Commons

Alors que les horreurs du premier grand conflit mondial persistent dans la mémoire collective, Aristide Briand évoque dans un discours devant la Société des nations (SDN) la création « d’une sorte de lien fédéral » entre les pays européens. La célèbre formule « d’États-Unis d’Europe » énoncée un siècle plus tôt par Victor Hugo est enfin portée sur le devant de la scène politique. Aristide Briand souhaite notamment établir un système efficace de sécurité collective entre nations européennes.

Cependant, ce projet avant-gardiste se heurte aux réalités de l’époque. La Grande Dépression arrive en Europe et les États européens se tournent vers des politiques protectionnistes pour rétablir leur situation socio-économique. Ainsi, le projet d’Europe unie devra encore attendre quelques années et diverses péripéties avant d’aboutir à l’Union Européenne que l’on connaît.

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Esteban MORON

est étudiant à Kedge Business School. Passionné par la géopolitique, il s'intéresse notamment aux relations internationales de l'Union européenne et de ses pays membres.

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