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L’arc chiite : quelle réalité ?

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Mythe pour certains, idéal pour d’autres, l’arc chiite répand un certain nombre de fantasmes au Moyen-Orient et influence durablement la géopolitique de la région. Quelle est son influence réelle ?

L’expression a été fondée depuis la Révolution islamique en Iran en 1979. Elle est censée expliciter la menace d’une influence grandissante de l’Etat perse sur le Levant. L’influence chiite s’étend désormais autour d’un axe Téhéran-Beyrouth Sud, soutenue, de loin, par Bahreïn ou le Yémen, mais traversant surtout deux pays durement frappés par deux guerres successives depuis dix ans : l’Irak et la Syrie. La prédominance chiite est incarnée, au bord de la Méditerranée, par le Hezbollah, puissante organisation jouissant d’un statut particulier au Liban.

L’origine de l’expression n’est pas neutre. Elle est née des paroles du dirigeant jordanien Abdallah II et laisse place à un découpage, non pas étatique, mais bien confessionnel du Moyen-Orient. Et le caractère récent d’une telle expression n’est pas non plus à oublier. Les chiites ont été très longtemps (mis à part une infime minorité bourgeoise) les classes dominées par les sunnites, sur une grande partie du Moyen-Orient. La Révolution islamique en Iran a été le déclencheur d’un renversement sans précédent, poussant les sunnites à la méfiance, via un renforcement de l’identité sunnite ou à la radicalisation de celle-ci.

Plus le fruit de l’imaginaire sunnite que d’une concrétisation réelle sur le terrain

Or, force est de reconnaître que l’expression apparait encore quelque peu irréelle à ce jour. Les velléités iraniennes en Irak (où les quatre villes saintes du chiisme sont situées) ont été indirectement soutenues par l’invasion américaine débutée en 2003. Néanmoins, dans ce non-Etat, les chiites ne contrôlent qu’une faible partie du territoire et restent durement marqués par la chasse menée durant des décennies par S. Hussein. Plus à l’ouest, de la destinée réelle du conflit syrien dépendra fortement la matérialisation d’un tel arc chiite. En Syrie, la domination politique des alaouites, apparentés au chiisme, est fortement contestée depuis 2011. L’ « Alaouistan » n’a eu d’autre choix que de migrer en partie vers le Liban, répandant la fureur du conflit syrien sur un pays déjà balkanisé par ses confessions.

Les ambitions chiites (ou plutôt du duo Iran-Hezbollah) sont donc, dans l’état actuel des choses, bornées à quelques régions du Moyen-Orient. Les printemps arabes ont montré toute l’importance que le substrat confessionnel pouvait exercer sur les forces politiques étatiques. Etats créés de toutes pièces par des diplomates occidentaux ayant fait fi de plusieurs siècles d’affrontements, mais aussi de coexistence, confessionnels. Pour le moment, la domination sunnite, représentée par l’Arabie Saoudite et certains de ses voisins (comme le Qatar), tient bon. De la remise en état de l’Irak, de l’avenir du conflit syrien et de la pacification libanaise dépendent la concrétisation d’une influence chiite. Mais, surtout, de la volonté réelle de l’Iran de l’existence d’un tel arc. Volonté pour l’instant jamais affirmée.

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