Afghanistan, le départ français
L’année 2014 s’achève, l’année 2015 débute. La page est tournée pour l’armée française dont le dernier contingent quitte l’Afghanistan. Après treize ans de présence sur le sol afghan, les forces armées françaises ont achevé leur mission dans le cadre de celle de l’OTAN. Combats, formation, missions de sécurisation, renseignement… Les soldats français ont tout fait et ils n’ont pas été épargnés : 89 morts et 700 blessés ce qui revient à 1 soldat français sur 100 engagés sur le théâtre afghan. Des chiffres qui ne prennent pas en compte d’autres blessures moins visibles de l’ordre des traumatismes mentaux. Depuis 2001, l’engagement militaire français en Afghanistan aurait coûté près de 2,5 milliards d’euros, sans comptabiliser les coûts post-intervention. L’addition est élevée. Pour quels résultats ?
Le 31 décembre 2014 mettait fin à l’opération Pamir qui consistait principalement en la sécurisation de la région de Kaboul, le commandement de l’aéroport international de la capitale et la formation de militaires afghans par les forces françaises. Le retrait des troupes françaises s’inscrit dans l’achèvement de la mission de l’ISAF (Force internationale d’assistance et de sécurité) de l’OTAN. La mission otanienne Resolute Support prend le relais jusqu’en 2017. Dotée d’une force de 12 500 soldats principalement américains, elle est chargée de poursuivre la formation des forces afghanes et de les soutenir dans leurs opérations contre-terroristes.
Que retenir de ces treize années de guerre déclenchées à la suite des attentats du 11 septembre 2001 ?
En matière de sécurité, les résultats sont mitigés. Les Talibans ont certes reculé, écartés des grandes villes et des principaux axes de communication. En outre, les forces coalisées ont permis de mettre sur pieds de véritables forces de sécurité et de défense (environ 350 000 hommes, armée et police confondues, sans compter les milices d’autodéfense) pour lutter contre l’insurrection talibane. Toutefois, à mesure que les forces américaines et otaniennes se retirent du pays, les Talibans tendent à intensifier de nouveau leurs attentats et leurs assauts contre les forces régulières afghanes qui payent un lourd tribut. En 2014, leurs pertes dépassent les 4 500 morts : un triste record.
En termes de lutte contre le narcotrafic, ce bilan en demi-teinte laisse place à un échec total. La production d’héroïne, tirée de la culture des champs de pavot afghans, n’a jamais été aussi massive : plus de 6 400 tonnes en 2014. L’Afghanistan demeure un narco-État largement corrompu et assis sur des fondements économiques fragiles. Sans l’aide financière des États-Unis et de l’OTAN, le président Ashraf Ghani ne peut pas entretenir son armée, seul rempart contre la guerre civile sous-jacente à la guérilla talibane. Or, le matériel militaire américain mis à disposition des forces afghanes s’use rapidement et, à moyen terme, le sous-équipement menace l’opérabilité des troupes régulières du pays. De plus, l’évacuation des soldats internationaux contribue à miner le moral des forces afghanes, privées d’un précieux soutien ; la bataille psychologique est en passe d’être remportée par les Talibans dont la marge de manœuvre est considérablement augmentée.
Dans ces conditions délicates, un retour en force des Talibans, venant combler le vide stratégique laissé par le départ de l’ISAF, ne peut être écarté. Les militaires français ont terminé leur mission, semble-t-il. Les Afghans ne font que la commencer…