Élections en Iran : Rohani et Rafsandjani, des réformateurs ?
Vendredi 26 février avait lieu en Iran le très attendu scrutin renouvelant le Parlement et l’Assemblée des experts. Des élections très médiatisées aux quatre coins du monde. L’Occident y espère une victoire des réformateurs, dans le but de faire avancer le rapprochement avec l’Iran initié lors des négociations sur le nucléaire.
Cette élection représente une des grandes particularités institutionnelles de ce pays de 80 millions d’habitants. Alors que la population élit au suffrage universel direct le président de la République, la seconde composante du pouvoir est élue de manière indirecte. En effet, la population votait pour élire les membres de l’Assemblée des experts, un organisme clérical composé de 88 sièges, qui lui-même votera pour élire le Guide de la Révolution.
En Iran, le Guide de la Révolution est le pilier de la République Islamique, son avis prévaut sur celui du Président. C’est actuellement le conservateur Ali Khamenei qui occupe cette fonction de « Guide suprême », un terme largement diffusé, qui donne un indice sur la nature du régime, mais qui n’existe pas dans la constitution iranienne. L’enjeu de cette élection est donc de savoir si l’indétronable Ayatollah Khamenei, au poste depuis 1989, conservera le pouvoir sur l’Iran. Il devra pour y parvenir, contenir la vague réformiste représentée par Hassan Rohani élu président de la République en 2014 et Hachémi Rafsandjani favoris pour endosser le rôle de Guide de la Révolution en cas de victoire.
Avec Rohani, peut on attendre un changement radical de la politique iranienne ?
Si la perspective d’une victoire des réformateurs sur les conservateurs a de quoi nous réjouir en Occident, il est nécessaire de la nuancer sur le plan de la politique interne iranienne. Au-delà d’une politique d’ouverture méritante de la part de ce camp réformateur et si l’on observe de plus près les leaders politiques de ce mouvement, on remarque alors que le renouvellement dans les très hautes sphères politique en Iran est inexistant. Hassan Rohani et Hachémi Rafsandjani embrassent cette réalité à la perfection. Hassan Rohani fut membre du Majlis (parlement iranien), pendant 20 ans, et ce, dès 1980, soit un an après la Révolution Islamique, il a d’ailleurs été vice-président du Parlement entre 1992 et 2000. De son côté Rafsandjani a une très grande expérience de l’État iranien pour l’avoir présidé entre 1989 et 1997. Il avait d’ailleurs permis l’élection d’Ali Khamenei au rang de Guide Suprême après la mort du précédent Guide, désormais, il compte prendre sa place.
Ces réformistes sont donc en réalité plus proches d’apparatchiks liés au pouvoir iranien, qui petit à petit se détournent de leurs orientations politiques originelles, pour se rapprocher de l’opinion publique afin d’accéder au pouvoir, en affirmant un discours réformiste à défaut d’être progressiste. En réalité le terme de modérés serait plus exact, c’était sous cette étiquette qu’avait été élu Rohani, en appelant les réformateurs à le soutenir contre les conservateurs. Ainsi modérés et réformateurs ne firent plus qu’un.
Les deux figures politiques, sur lesquels nous venons de nous concentrer, étant déjà aux plus hautes sphères de l’État iranien dans les années 80, il semble donc illusoire de voir une véritable révolution des mœurs en Iran dans la prochaine décennie, l’Assemblée des experts étant élu pour huit années. Malgré leur étiquette de réformateurs, Rohani et Rafsandjani restent des piliers d’une république fondée sur le pouvoir des Ayatollah. Il en est de même au niveau international et géostratétique, si l’ouverture iranienne sur l’Occident répond à une nécessité de développer l’économie du pays, il ne faut pas s’attendre à un revirement de politique que ce soit en Syrie ou au Liban. De plus, son alliance avec la Russie persistera tant que les États-Unis et l’Europe privilégieront l’Arabie Saoudite comme partenaire dans la région. Il en va de l’équilibre des forces entre pouvoirs sunnites et chiites, entre civilisations arabes et perses.