Suspension des municipales en Palestine : une décision politique ?
Alors que l’ONU se félicitait fin août des préparatifs pour les élections municipales palestiniennes prévues le 8 octobre, l’espoir d’un rendez-vous démocratique rassemblant le Fatah et le Hamas a été stoppé net. La Commission électorale centrale (CEC) palestinienne a en effet suspendu le 8 septembre dernier le processus électoral par la voix de son président Hicham al-Hatou.
Dix ans. Dix ans que les Palestiniens dans leur ensemble n’avaient pu se rendre aux urnes, le Hamas ayant décidé de boycotter les dernières élections de 2012. C’est dire l’espoir nourri par cette échéance électorale souffle vital pour un système ayant viré à l’autoritarisme aussi bien en Cisjordanie, contrôlé par le Fatah que dans la Bande de Gaza, mainmise du Hamas depuis 2006. La CEC bien qu’ayant suspendu et non annulé l’échéance éloigne néanmoins la perspective du scrutin. Saisi par l’avocat Nael al-Houh, deux points ont motivé sa décision, les doutes autour de la tenue du scrutin à Jérusalem-Est (auquelle s’oppose d’Israël ) ainsi que l’instrumentalisation par le Hamas de la justice celle-ci ayant annulé plusieurs listes proches du Fatah dans la province de Khan Younis au sud de la Bande de Gaza.
Si ces élections laissaient beaucoup d’observateurs perplexes du fait de l’utilisation de listes par consensus et de la supériorité du marqueur familial et tribal sur la compétence réelle des candidats, la perspective de voir la légitimité du Fatah et du Hamas mise à l’épreuve dans les urnes aurait pu servir de point de départ pour une relance du processus démocratique et un rapprochement entre deux factions dont la traduction territoriale de leur rivalité ne fait que réjouir l’Etat hébreu. Par ailleurs, la symbolique historique des municipalités aux yeux des Palestiniens aurait sûrement permis une participation accrue. Si les mouhâfazat palestiniennes ont été un temps instrumentalisées par Israël, elles jouissent depuis la loi de décentralisation de 1992 d’une autonomie à part entière.
Une volte-face du Fatah face à l’impopularité d’Abbas et les recompositions politiques ?
Les réactions à cette décision n’ont pas tardé le porte parole du Hamas Sami Abu Zuhri donnant à cette décision une valeur politique alors que l’état major du Fatah a déclaré vouloir respecter une décision judiciaire. Certaines hypothèses ont en effet émergé sur une possible volte-face de l’exécutif du Fatah dont le chef de proue Mahmoud Abbas, 85 ans est très contesté au sein de l’électorat palestinien son mandat comme président devant se terminer en 2009. Le Hamas ne peut pas pour autant se targuer d’une meilleure aura étant donné le ressentiment populaire entourant sa gestion hyper-sécuritaire de la Bande de Gaza reléguant les question sanitaires et énergétiques au second plan. Un troisième acteur a par ailleurs joué les troubles fêtes et fait craindre aux deux forces mais tout particulièrement le Fatah des pertes électorales conséquentes. Il s’agit du Mouvement démocratique, coalition des forces de gauches palestiniennes rassemblées sous la houlette de Mustafa Barghouti. Pour le temps présent, la balle est dans le camp de la CEC qui rendra une nouvelle décision le 21 Septembre prochain fixant une nouvelle date ou reportant les élection sine die.
Pour aller plus loin:
-Une synthèse sur le fonctionnement et les attributs des municipalités palestiniennes
Le système de gouvernement local en Palestine. Aude Signoles, 2010
-Article universitaire pointant les limites de la construction démocratique institutionnelle palestinienne
Dabed Emilio, « Constitutional Making and Identity Construction in Occupied Palestine », Confluences Méditerranée 3/2013 (N° 86) , p. 115-129
URL : www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2013-3-page-115.htm.