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Le Sahara: barrière ou interface?

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Le Sahara est historiquement une interface, une passerelle pour les échanges économiques et humains et ce dès le 7e siècle, quand prospérait le commerce caravanier. Pour autant, il est considéré comme un espace de rupture sur le continent africain, où vivent un kaléidoscope d’ethnies contribuant à sa fragmentation: le Sahara constitue-t-il toujours une barrière en ce début de XXIe s?

Le Sahara: 8 millions de km2 d’aridité

Le Sahara connaît des changements structurels liés à une croissance démographique très forte et à un phénomène d’urbanisation aux manifestations originales: il frappe par son ampleur, sa rapidité et sa sélectivité spatiale entre un versant maghrébin et un versant sahélien. L’urbanisation est impulsée par les Etats maghrébins comme l’Algérie dont les villes du désert connaissent une croissance de 8 à 10% par an. La transformation d’anciennes oasis est frappante: Tamanrasset dans le Sud algérien est passé de quelques milliers d’habitants dans les années 70 à près de 100 000 aujourd’hui. La densification de la population implique le désenclavement du territoire. La construction de routes transsahariennes entreprise depuis les années 2000 devrait aboutir d’ici 2018 au projet mené par le comité de Liaison de la Route Transsaharienne en coopération avec l’Algérie. Il s’agit d’un ensemble de quatre branches routières de 9.500 kilomètres desservant Alger et le Nigéria, en passant par la Tunisie, le Mali, le Niger et le Tchad.

Le Sahara n’est certainement plus un espace vide puisqu’il regorge de ressources pour la plupart exploitées. On y trouve de grandes nappes aquifères fossiles et des réserves de pétrole, concentrées dans le sud de l’Algérie et de la Libye.  Pour autant, tout le potentiel du désert n’est pas pleinement utilisé. Le projet Désertec, lancé en 2003, prévoyait construire un gigantesque parc photovoltaïque au Sahara pour approvisionner l’Afrique du Nord et l’Europe. Le projet a cependant dû être arrêté après les révolutions arabes en 2011 suivies du renversement du régime de Khadafi.

Un point chaud en Afrique 

Si le Sahara est une zone aujourd’hui aussi dynamique, c’est aussi à cause des flux illicites qui le traversent. Premièrement, les flux de la drogue arrivant de Colombie pour remonter en Europe sont considérables. Ensuite, le Sahara est une zone de passage pour les migrants, à tel point que l’on peut y voir un déplacement symbolique des frontières de Schengen.

Le Sahara est une zone historique de tensions, puisque son immensité vide facilite les guérillas ou la mise en place de manoeuvres tactiques efficaces. Dès 1975 le Sahara est troublé par la guerre opposant le Maroc et la Mauritanie au Front Polisario pour le contrôle du Sahara Occidental.

Cette première déstabilisation du Sahara a laissé la porte ouverte à l’installation de plusieurs groupes djihadistes dans une région qu’ils considèrent comme un refuge. En 2011, un deuxième élément vient renforcer l’instabilité sahélo-saharienne: l’effondrement du régime libyen de Khadafi.

Prenons l’exemple d’Al Qaida au Maghreb islamiste, né dans les années 2000 et issu du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) qui agissait en Algérie pendant la guerre civile. Cette organisation est aujourd’hui l’une de plus redoutables dans la zone sahélo-saharienne. Auteur d’attaques terroristes régulières, ses actions se traduisent aussi par des prises d’otages, comme le 8 janvier 2016 où une suissesse est kidnappée à Tombouctou, dans le Nord du Mali. Le groupe se partage la zone en plusieurs émirats dont un des plus actifs est l’Emirat du Sahara.

La représentation du Sahara comme un espace de césure n’est plus pertinente. Cet espace est plutôt un laboratoire pour penser les difficultés de gouvernance auxquelles sont confrontés les territoires globalisés.

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