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Macron et l’aube iranienne du gaullo-miterrandisme

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La campagne présidentielle de 2017 a été marquée par des références constantes au général de Gaulle, surtout à la politique étrangère qu’il a menée. Emmanuel Macron, durant le débat d’entre deux tours a même annoncé que sa politique serait d’aspiration gaullo mitterrandienne.

La première question qu’il convient de poser est donc qu’est ce qu’une politique gaullo mitterrandienne ? Selon la formule consacrée, il s’agit d’être « allié non aligné ». En effet, on peut observer que si le Général s’est montré d’une grande loyauté envers les États Unis dans les moments clés, notamment lors de la crise des missiles de Cuba en 1962, il n’a pas hésité à se mettre en opposition à plusieurs reprises, que ce soit en reconnaissant la Chine de Pékin ou lors de son voyage à Moscou. François Mitterrand, malgré les nombreux désaccords qu’il avait lorsqu’il était dans l’opposition a eu une politique étrangère analogue. Cette appellation de politique gaullo-mitterrandienne n’est donc pas aussi oxymorique qu’il n’y parait à première vue.

L’idée même d’une politique gaullo-mitterrandienne trancherait donc assez radicalement avec la politique menée par les deux derniers présidents. En effet, M. Sarkozy avait une certaine fascination pour les États Unis, notable à la fois dans la réintégration dans le commandement intégré de l’OTAN que dans la création d’un conseil national de sécurité à l’américaine. M. Hollande, s’il n’a pas marqué son action d’un tel américanisme a été constamment dans la négociation, ce qui tranche avec l’opposition parfois frontale que sous tend ce genre de politique. Si M. Macron souhaite réellement faire une politique gaullo-mitterrandienne, il devra se montrer plus affirmé que son prédécesseur et seul le futur nous dira si tel est son tempérament.

Il y a un dossier où la France pourrait éventuellement bénéficier d’une certaine indépendance. C’est le cas de l’Iran. En effet, l’Iran a signé un accord sur le nucléaire, permettant la levée partielle des sanctions à son encontre et marquant son retour sur la scène internationale. Toutefois, si cet accord a été négocié sous M. Obama, le nouveau président américain, Donald Trump fait preuve d’une étonnante constance sur sa position à ce sujet : l’Iran est l’ennemi des États Unis. Il a donc une certaine réticence à faire appliquer ce traité. D’ailleurs, la justice américaine a frappé la banque française BNP d’une amende pour avoir contrevenu à l’embargo, alors qu’il aurait déjà dû être levé.  Or, cet accord suscite beaucoup d’espoir dans la jeunesse iranienne, si nombreuse, et dans le camp réformiste. Le succès de M. Rohani, nouvellement réélu, dépend de conséquences économiques positives résultant de cette sortie de l’embargo. Si la France souhaite se placer en bonne position afin de bénéficier des marchés iraniens nouvellement disponibles, il faut donc affirmer une volonté de sortir les États Unis de leur immobilisme dans ce dossier. Le président Macron, récemment élu, bénéficie d’une certaine dynamique. S’opposer aux États Unis sur le plan intérieur pourrait lui attirer un vent de poupe favorable nécessaire à l’obtention d’une majorité à l’Assemblée. De même, annoncer au monde la volonté de la France de faire respecter le droit international contribuerait à racheter une partie de la légitimité qu’elle a perdue depuis quelques années.

Pour ce faire, il est possible que le président Macron puisse compter sur le soutien du partenaire allemand, avec qui l’entente ne peut que s’améliorer, quel que soit le vainqueur des prochaines législatives. La Russie saluera probablement l’effort fait pour sortir son partenaire stratégique en Syrie de l’isolation. Le seul bémol risque d’être les puissances amies de la France dans le Golfe, notamment les Émirats Arabes Unis, hostiles à l’Iran. Mais c’est aussi une bonne raison de faire preuve de cette force : avoir une relation aussi bonne avec les Émirats et l’Iran peut être le premier pas pour des tensions apaisées dans le Golfe, et vers une résolution du conflit au Yémen.

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Naël DE LA SAYETTE

Consultant en diplomatie d'affaires et intelligence économique, Naël de La Sayette est spécialisé sur les questions moyen-orientales. Il a rejoint Les Yeux du Monde en 2016.

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