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Cessation des hostilités en Syrie, un premier bilan : qui y gagne, qui y perd ?

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« Positif », le mot est lâché samedi 27 février par le groupe de travail commun aux russes et aux américains à Genève chargé de faire respecter la cessation des hostilités. Un cessez-le-feu suivra si les camps en présence arrêtent de se tirer dessus jusqu’à la mi-mars. En attendant la conférence du 7 mars, qui devra définir la suite, quels sont les partis qui ont le plus à gagner de cette cessation des hostilités et qui a le plus à perdre ?

Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov, et le secrétaire d'Etat John Kerry le 11 février 2016 à Munich à la signature de l'accord sur la cessation des hostilités. Dans l'incapacité de s'entendre sur l'avenir du régime depuis cinq ans, Etats-Unis et Russie ont fini par s'entendre sur l'urgence de la fin des combats.
Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov, et le secrétaire d’Etat John Kerry le 11 février 2016 à Munich à la signature de l’accord sur la cessation des hostilités. Dans l’incapacité de s’entendre sur l’avenir du régime depuis cinq ans, Etats-Unis et Russie ont fini par s’entendre sur l’urgence de la fin des combats.

Le régime d’Al Assad est le grand gagnant de ce répit arraché au forceps grâce à son allié russe et à l’enlisement de la situation. Damas devrait en profiter pour regrouper ses forces et reprendre les villes de Palmyre et d’Alep qui sont aux mains de Daesh et ne sont donc pas concernées par l’accord. Ce redéploiement avec l’aide de la Russie pourrait aussi permettre à Damas d’encercler les zones contrôlées par les rebelles dans l’Ouest du pays et écrasant les positions djihadistes qui leurs sont voisines. La Russie, dans sa recherche de stabilité du régime syrien, gagne un sursis pour Al Assad. Elle pourra continuer à mener ses opérations habituelles car les zones rebelles les plus proches de son déploiement sont contrôlées conjointement par les rebelles et les djihadistes et Moscou feint de ne voir aucune différence. Mais il est vrai que les relations d’allégeance sont très complexes et certaines troupes peuvent se battre un jour pour un camp et le lendemain dans l’autre, donnant ainsi l’autorisation implicite d’être frappé par l’aviation russe. La Russie a notamment bombardé intensivement les environs de Damas contrôlés par les rebelles de tous bords juste avant l’application de la cessation d’hostilité.

Les Etats-Unis voient ce qu’ils présentent comme étant leur initiative réussir et vont pouvoir concentrer leurs efforts sur les opérations contre Daesh, notamment en Irak et en Libye, au lieu d’arbitrer le conflit en permanence. Enfin l’Europe va aussi pouvoir se concentrer sur la Libye et surtout l’arrêt des hostilités et l’arrivée de l’ONU en aide aux réfugiés dans ces zones pourrait soulager la pression migratoire que subit le vieux continent. 154 000 syriens devraient ainsi recevoir une aide vitale dans les cinq prochains jours. Les Kurdes, enfin, sont grands gagnants de cet accord car étant alliés avec les occidentaux, ils sont considérés comme non-terroristes et peuvent sécuriser leurs gains territoriaux. Les actions violentes que mène la Turquie contre eux à répétition depuis plusieurs mois doivent cesser immédiatement, ce qui n’a pas manqué de fâcher Ankara qui utilisera certainement les derniers attentats causés par une branche du PKK pour essayer de requalifier les kurdes comme terroristes.

La Turquie, Daesh et le Front Al-Nosra sont les grands perdants de cet accord. Les deux organisations terroristes contrôlent la moitié du territoire syrien et vont devoir s’attendre à une forte poussée contre eux de la part du régime qui en profitera pour regagner du territoire.

La Turquie, qui avait utilisé jusqu’à présent le conflit pour tenter d’affaiblir les kurdes, va être contrainte de les voir renforcer leurs positions en Syrie mais aussi en Turquie même via la frontière commune. Il est certain qu’Ankara fera tout pour que cet accord se rompe mais elle ne peut plus attaquer ouvertement. On assiste à une tentative de gérer la situation avec une approche pas-à-pas inédite dans la région dont la réussite témoigne de l’épuisement des belligérants. La prochaine étape est un cessez-le-feu solide en Syrie et la grande offensive sur Mossoul en Irak.

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