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Israël et le conflit syrien : une politique de dissociation toute relative

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L’attaque le 7 septembre dernier d’une usine syrienne de production d’armes militaires par l’aviation israélienne a provoqué commentaires et prophéties sur un tournant dans la stratégie militaire israélienne dans le cadre du conflit syrien. Pourtant, plutôt qu’une rupture, cet événement semble beaucoup plus s’inscrire dans la continuité d’un statu quo maintenu par l’État hébreu.

L’attaque surprise le 7 septembre d’un site de production d’armement militaire

L’impact de la frappe israélienne le 7 septembre contre un site syrien de production de missiles.

Le 7 septembre dernier, c’est en effet un site stratégique syrien qui est visé par des frappes de l’aviation israélienne, frappes tirées depuis l’espace aérien libanais. La cible n’est rien d’autre qu’une infrastructure de production d’armement appartenant au centre d’études et de recherche scientifiques (CERS) près de Masyaf dans la province de Hama, à l’ouest de la Syrie. Les informations de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme indiquent par ailleurs que l’infrastructure militaire syrienne produisait des armes chimiques, outre la conception de missiles sophistiqués, et employait des experts militaires iraniens ainsi que des membres du  Hezbollah.

Si les autorités israéliennes se sont montrées plutôt discrètes n’opposant aucune confirmation ni démenti , l’armée syrienne, par l’intermédiaire d’un communiqué, a très vite condamné une frappe ayant provoqué “dégâts matériels” et le décès de deux personnes. Ce communiqué s’est vu doublé d’une réaction plus assertive du leadership à Damas se disant prêt à déposer une plainte à l’ONU et fustigeant le “soutien direct” israélien à l’EI et d’autres “organisations terroristes” dans une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.

Les analystes ont très vite insisté sur la caractère de rupture de cette intervention en cela que la nature de l’infrastructure diffère des cibles traditionnelles visées. En effet, ce sont jusque là des convois ou des lieux de stockage d’armes destinées au Hezbollah et fruit d’une collaboration irano-syrienne qui étaient en ligne de mire. Il ne faudrait pas pour autant voir en cet événement un tournant. Depuis le premier incident frontalier le 11 novembre 2012, les interventions ciblées de  l’État hébreu (désireux d’entraver l’amélioration de l’arsenal militaire du Hezbollah  et se prémunir contre toute infiltration dans l’espace tampon que constitue le plateau du Golan) se sont multipliées. Et cela même si la plupart des tirs ont été accidentels dans le cadre d’affrontements entre groupes rebelles et régime syrien. Cet espace même que constitue le plateau du Golan est une variable centrale dans l’équation stratégique israélienne vis-à-vis de la Syrie qu’il est nécessaire d’analyser dans sa période post-1967.

Le Golan, un espace stratégique pour la puissance israélienne

Le Golan est en effet au centre de l’équation stratégique régionale israélienne constituant une véritable zone tampon vis-à-vis de son voisin syrien et relativement vis-à-vis du Liban. Ce plateau montagneux d’environ 1900 km2 dont 1250 sont occupés aujourd’hui par Israël, abrite également des ressources en eau considérables constituant plus de 22% de sa production annuelle (soit 250 millions de m3 par an). Sur le plan militaire, la hauteur du plateau en fait un obstacle à l’avancée de l’ennemi et un point d’observation stratégique.

Le plateau passe véritablement sous le giron israélien à la faveur de la Guerre des Six Jours en tout cas dans sa partie syrienne. Le Golan ne constitue pas pour autant à l’époque un objectif central pour Israël qui s’en trouve relativement dépossédée en 1973 lors de la Guerre du Kippour conduisant à un cessez-le-feu et un accord de désengagement conclu avec la Syrie en 1974 : 100 km2 sont alors rétrocédés à la Syrie. Ce déficit de valeur stratégique se poursuit d’ailleurs de par le rapprochement israélien avec l’Égypte de Sadate et les relatives bonnes relations entretenues avec Hafez el-Assad. C’est véritablement dans son vis-à-vis libanais que le Golan acquiert une valeur tactique cruciale. Annexé en décembre 1981 malgré la condamnation de la communauté internationale, le territoire fait partie intégrante de la Good Fence Policy destinée à se prémunir des menaces que fait peser l’instabilité libanais des années 1970 et 1980 sur l’État hébreu. Malgré l’impulsion de négociation sur le statut du Golan en 1992 sous la houlette des États-Unis, celles-ci seront mises en échec très rapidement, conduisant l’État hébreu à garder son contrôle sur le plateau.

Avec la dégradation continue de la situation syrienne depuis 2011, le plateau du Golan est aujourd’hui une clé maîtresse du dispositif sécuritaire israélien, une véritable zone tampon, à l’image de la politique de dissociation vis-à-vis du conflit syrien proclamé par Israël dès le début des contestations en 2011. Il serait néanmoins réducteur de croire en la neutralité toute affichée de l’État hébreu, dont le consensus interne sur la réponse à apporter à la crise syrienne est bien plus fragmenté que pourrait le laisser penser les déclarations officielles.

Sources

Article de presse et publications en ligne

  • AFP, « Israël bombarde à nouveau la Syrie », Le Monde, 30 juin 2017
  • AFP, « En réponse à des projectiles, Israël frappe une position de l’armée syrienne », Le Monde, 2 juillet 2017
  • AFP, « Israël frappe en Syrie en réponse à des tirs », Le Figaro, 24 juin 2017
  • Judah Ari Gross, « Des images satellites montrent les dégâts causés par la frappe contre une base syrienne », The Times of Israël, 10 septembre 2017
  • AFP et Times of Israël Staff, « Frappe israélienne présumée : Damas porte plainte à l’ONU », The Times of Israël, 8 septembre 2017
  • Stuart Winer, « Yadlin : avec la frappe en Syrie, Israël fait valoir ses ‘lignes rouges’ », The Times of Israël, 7 septembre 2017
  • Ines Gil, « Le Golan, théâtre de l’investissement grandissant d’Israël dans la guerre syrienne », Les Clés du Moyen-Orient, 17 juillet 2017

Articles académiques

  • Pierre Berthelot, « Le Golan : statu quo ou restitution ? », Politique étrangère, 2010/3 (Automne), p. 647-658. DOI 10.3917/pe.103.0647

 

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