Les Cours des YDM

L’entrée tardive des femmes dans l’Histoire française (1/2)

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En ce 8 mars, on fête la Journée internationale des droits de la femme, officialisée en 1977 par l’ONU et observée pour la première fois en France en 1982. En France, cette date du 8 mars est également celle de l’anniversaire de l’entrée en vigueur du décret sur la contraception, en 1972. La France a connu plusieurs vagues féministes dans l’histoire contemporaine, mais globalement la cause féminine reste  récente. Retour sur un siècle et demi d’histoire de la femme, une « minorité paradoxale » (Catherine Marand Fouquet, historienne).

Marguerite Durand prône la reconnaissance des droits des femmes à travers la création en 1897 d’un journal, La Fronde, entièrement féminin
Marguerite Durand prône la reconnaissance des droits des femmes à travers la création en 1897 d’un journal, La Fronde, entièrement féminin

1870-1919 : les femmes, des « Grandes Muettes » ?

Le Code civil, promulgué en 1804, rend compte, à cette époque, d’un état de fait sans ambigüité pour les femmes. Il expose une exclusion politique doublée d’une sujétion civile (au père, puis au mari). La seconde moitié du XIXème siècle voit la naissance des premiers mouvements féministes, sur le fond des contradictions nées de la Révolution. En effet, si la valeur d’égalité est agitée par la République, il n’en demeure pas moins que les femmes en sont entièrement exclues. C’est d’abord par l’intermédiaire de productions privées que la condition féminine est évoquée. Ainsi, les correspondances de Colette ou les bustes sculptés de Camille Claudel, de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle, font figure d’exceptions.

En 1882, est fondée la première organisation féministe d’envergure, la  Ligue française pour le droit des femmes, soutenue par quelques intellectuels dont Victor Hugo : « Il y a des citoyens, mais il n’y a pas de citoyennes. C’est là un état violent ». Les revendications de cette ligue concernent l’éducation des jeunes filles, la modification du Code civil ou encore la reconnaissance du statut de mère. Le mouvement suffragiste, importé de Grande-Bretagne, est le symbole du mouvement féministe de l’époque. Il est notamment à l’origine de la création en 1881 d’un journal au titre en forme de vœu pieux : La Citoyenne. Cette tentative de reconnaissance par la presse n’est pas une initiative isolée, puisque Marguerite Durand fonde, en 1897, le premier journal administré uniquement par des femmes, La Fronde, qui disparaît huit ans plus tard faute de moyens.

La IIIème République française laisse entrevoir les premiers progrès dans le domaine scolaire pour les jeunes filles. La loi Camille Sée de 1880 instaure les premiers lycées pour filles. Cependant, les disparités restent importantes. En effet, si les programmes scolaires sont quelque peu uniformisés, les filles se voient attribuer des cours concernant les tâches ménagères et la couture tandis que l’enseignement du latin et de la philosophie leur est interdit. En outre, contrairement aux jeunes hommes, aucune préparation au baccalauréat n’est envisagée dans le cursus scolaire des jeunes femmes avant 1924 (décret Bérard). Cela n’empêche pas quelques candidatures isolées, ce qui porte à environ 100 le nombre total de bachelières en 1909. Par conséquent, le nombre de femmes dans les métiers les plus sélectifs de la société est famélique. Il faut attendre 1875 pour qu’une femme devienne médecin et 1900 pour avoir deux femmes avocates. La réussite, pour une femme, passe par un combat de tous les instants. Par exemple, Madeleine Pelletier, au début du XXe siècle, obtient le titre de « docteur » au terme d’une lutte acharnée. Il faut dire que sa thèse ; démontrant que le cerveau des femmes n’est pas plus petit que celui des hommes et que, de toute manière, la taille ne fait pas l’intelligence ; passe plutôt mal dans le milieu médical.

Les élections législatives de 1910 sont l’occasion de voir pour la première fois dix femmes candidates, des candidatures qui restent du domaine du symbole, puisque chacune des voix en leur faveur est comptée comme nulle.

La Première Guerre mondiale rend nécessaire l’accès aux femmes à des métiers délaissés par les hommes partis au front (direction d’exploitations agricoles, enseignement secondaire, ateliers). Cependant, elles payent un lourd tribut à la fin de la guerre puisque 700 000 d’entres elles sont désormais veuves,  et près de 500 000 sont licenciées de l’armement militaire.

Les désillusions de l’entre-deux-guerres

Une œuvre symbolise la progression de l’idée de la femme libre dans la société. Il s’agit de La Garçonne, livre qui paraît le même jour que le refus par le Sénat du droit de vote des femmes, en 1922. Ce roman fait l’objet de nombreuses critiques et est interdit dans les gares. Victor Margueritte, son auteur, est même radié de la Légion d’honneur.

L’entre-deux-guerres est marqué par ce paradoxe perpétuel d’évolution partielle des mentalités. Ainsi, en 1923 est créé à Paris un salon qui, officiellement, expose ce que doit être l’idéal féminin. Ce salon est alors intitulé « Salon des Arts ménagers ». De même, en 1932 des allocations familiales sont créées… mais versées systématiquement aux maris. Les réformes du Code civil et de la famille, sous le Front Populaire, accordent une place juridique plus importante à la femme, mais entérinent un régime marital dont l’époux demeure le chef. Enfin, il faut rappeler que, par trois fois, la Chambre des députés se montre favorable au droit de vote des femmes, mais le Sénat, conservateur, s’y oppose à chacune des tentatives.

Il faut attendre la seconde moitié du XXème siècle pour observer les réformes les plus marquantes sur le statut des femmes, notamment dans le domaine sociétal.

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Marc GERARD

Ancien élève de CPGE B/L au Lycée Montaigne, Marc Gérard est diplômé d'un master en Histoire des mondes modernes et contemporains, certifié et enseignant en Histoire-Géographie. Il est rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis janvier 2016.

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