Les débats sur la revalorisation du franc en 1927 : une France à la recherche du lustre passé
Après les désastres monétaires de la Première Guerre mondiale, les grands pays européens cherchent à retrouver une certaine santé monétaire, sans trop recourir aux aides extérieures, notamment américaines. On ne constate pas de véritable entente entre ces pays, si bien que les stratégies sont clairement opposées. A un Royaume-Uni fier de sa livre et cherchant à tout prix à la défendre (avec les conséquences drastiques que l’on connait, comme l’austérité), l’Allemagne cherche, elle, à faire face à une hyperinflation chronique, obligeant l‘abandon du mark au profit du rentenmark.
La France, elle, comme souvent, joue la demi-mesure. Ou plutôt : elle hésite entre suivre l’exemple anglais (i.e. revenir à la valeur du franc d’avant guerre) ou stabiliser le franc à la valeur fixée après la guerre (d’environ un cinquième de celle de 1914). Certes, il y a l’idée de prestige derrière la revalorisation : montrer que la France est sortie de la crise monétaire, et prête à montrer à nouveau que c’est une puissance majeure de la période. Mais n’oublions pas les intérêts économiques : la revalorisation est souhaitée par la Banque de France, mais aussi par de grands industriels (le baron Rothschild, Wendel). Selon eux, les épargnants français ont contribué à restaurer la situation économique, il faut donc leur rendre la pareille en leur assurant un pouvoir d’achat plus convenable.
Pour ses adversaires, il est clair que la France retomberait en crise si la revalorisation s’opérait. Les exportations sont encore trop friables en 1927, et revaloriser nuirait clairement aux exportations du pays, en les rendant plus chères. La gauche et les syndicats s’opposent de concert à la revalorisation, d’un point de vue social. Ils ont vu les terribles conséquences sociales de la revalorisation de la livre au Royaume-Uni, et ne souhaitent donc pas une telle déflation salariale en France. Sans parler du coût politique d’une telle réforme.
Finalement, Raymond Poincaré, Président du Conseil et Ministre des Finances depuis 1926, initialement en faveur de la revalorisation, a cédé aux arguments des partisans de la stabilisation. Il aurait été politiquement trop difficile de supporter une telle réforme. Une France ayant déjà des difficultés à supporter le poids de la dette aurait certainement cédé sous son poids en cas de revalorisation. La décision est prise en 1927, et entérinée après les élections de 1928, qui portent à nouveau le parti de Poincaré au pouvoir : c’est l’ère du franc Poincaré.