Origines, évolution et conséquences du blocus de Berlin
En 1948, les oppositions et les différends idéologiques entre les quatre puissances occupantes de l’Allemagne s’exacerbent et se manifestent de plus en plus radicalement. Le 24 juin 1948, suite à une dégradation progressive des relations entre l’URSS et les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, l’Union soviétique décide unilatéralement de bloquer tous les axes ferroviaires et routiers par lesquels les trois puissances occidentales communiquaient, entre Berlin et leur zone d’occupation en l’Allemagne. Première crise majeure de la Guerre froide, le blocus de Berlin est un événement charnière de cette période.
L’éphémérité de l’alliance contre-nature entre l’URSS et les puissances occidentales
Le 12 septembre 1944, le protocole de Londres est signé entre l’URSS, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Celui-ci stipule que « l’Allemagne, à l’intérieur de ses frontières telles que celles-ci existaient au 31 décembre 1937, sera divisée pour les besoins de l’occupation en trois zones, une de ces zones étant attribuée à chacune des trois Puissances, et en une zone spéciale pour Berlin, qui sera occupée conjointement par les trois Puissances ». La gouvernance conjointe sera dirigée au sein du Conseil de contrôle allié (CCA). La France obtiendra finalement aussi une zone d’occupation après la conférence de Yalta de février 1945.
Entre juillet et août 1945, la conférence interalliée de Potsdam fixe le sort réservé à l’Allemagne, et établit les principes politiques et économiques de son occupation. Alors que la fin de la Deuxième Guerre mondiale se profile, l’alliance qui était de mise entre l’URSS et les pays occidentaux va rapidement s’effriter.
Dès 1946, un climat de méfiance va s’installer entre l’Union soviétique et les puissances occidentales. Les intentions réelles des uns et des autres sont incertaines, et alimentent les tensions préexistantes.
En 1947, cette opposition va se cristalliser. Le 12 mars, le président Truman diabolise l’idéologie communiste et pose les bases de la politique d’endiguement. En septembre de la même année, la doctrine Jdanov dénonce l’impérialisme américain et affirme la division du monde en deux blocs distincts.
Le sort de l’Allemagne et le contrôle de Berlin vont dès lors devenir des enjeux essentiels. Pour les Occidentaux, garder la main sur l’Allemagne permettrait de contenir l’idéologie communiste. Pour l’URSS, réussir à chasser les Occidentaux de Berlin constituerait un symbole fort, témoin de la faiblesse de la puissance américaine.
La mise en place du blocus : l’échec du coup de force de Staline
Considérant la gouvernance quadripartite de l’Allemagne comme terminée, les puissances occidentales vont se réunir à Londres en 1948. Elles vont coordonner les politiques économiques de leurs zones, mais surtout permettre la mise en place d’une assemblée constituante pour toute l’Allemagne de l’Ouest. Le Deutsche Mark est ainsi mis en circulation dans les zones occidentales.
Les Soviétiques voient d’un mauvais œil la reconstruction d’une puissance centrale en Europe, qui pourrait devenir une menace. Ils vont donc tout faire pour empêcher les projets relatifs à l’Allemagne de l’Ouest. En mars 1948, l’URSS quitte le CCA ce qui met officiellement fin à la gouvernance quadripartite de l’Allemagne.
Dès avril 1948, l’URSS va également perturber l’accès occidental à Berlin-Ouest. Au fur et à mesure, la perturbation va se muer jusqu’à devenir un blocus total, le 24 juin 1948. Si officiellement Staline demande l’adoption du mark oriental dans la partie Ouest de Berlin, le but est d’en chasser toute présence occidentale.
Les Occidentaux vont réfléchir à la solution envisageable, sachant qu’une escalade pouvait conduire à la guerre. Finalement, les Etats-Unis organisent un pont aérien pour ravitailler la population de Berlin-Ouest. Véritable défi technique, ce fut une réussite politique puisque l’initiative de l’agression était laissée aux Soviétiques. Fallait-il abattre les avions américains pour mettre fin à cela ?
Ce risque est finalement écarté. Devant l’abnégation américaine, un accord soviéto-américain est signé le 5 mai 1949 pour mettre fin aux restrictions de circulation pesant sur Berlin-Ouest. Staline admet donc sa défaite. 2,5 millions de tonnes de marchandises auront été livrées au cours de 275 000 vols.
L’institutionnalisation de la partition : la naissance des deux Allemagnes
À la suite de cette crise, l’Allemagne de l’Ouest comprend que sa protection passera par les Etats-Unis. Le 8 mai 1949, la loi fondamentale de Bonn institutionnalise la République fédérale d’Allemagne (RFA). En septembre, Konrad Adenauer est élu chancelier de cette nouvelle entité politique autonome. Le 7 octobre de la même année, l’URSS proclame la création de la République démocratique d’Allemagne (RDA).
Deux Allemagnes aux régimes politiques opposés, s’ignorant mutuellement, naissent donc de cette crise. L’impact structurel du blocus de Berlin est déterminant, puisqu’il fait entrer le monde dans l’ère de la bipolarité. En Occident, Berlin devient un symbole de liberté qu’il est nécessaire de protéger et de sanctuariser.
Sources :
- BONIFACE Pascal, Les relations internationales de 1945 à nos jours, Paris, Eyrolles, 2017
– KIEN Anaïs, « Episode 29 : 24 juin 1948 : le blocus de Berlin », France Culture, 2016 (https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-la-guerre-froide/episode-29-24-juin-1948-le-blocus-de-berlin)