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Ukraine: une guerre locale en passe de devenir mondiale ? (4/7)

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Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’arrivée de la bombe nucléaire, dans un contexte où le monde était divisé en deux blocs idéologiquement antagonistes, la planète entière vivait avec la peur permanente d’être le théâtre d’une guerre nucléaire. Toutefois, sur fond de Guerre froide médiatisée, se jouait de manière plus discrète, mais d’autant plus violente, une guerre économique entre puissances industrielles du monde de l’économie de marché libre. 

Le nouvel ordre mondial post-1945

« Pendant près d’un demi-siècle, la guerre froide ne tourna jamais à la guerre véritable ».

Hélène Carrère D’Encausse.

Dans le cadre de la Guerre Froide l'Allemagne de l'Ouest devient la vassale des Américains, lorsque la France passe du statut d'alliée à celui de rivale
Le Check-point Charlie est le lieu de passage emblématique entre le Bloc de l’Est et le Bloc de l’Ouest.

A partir de 1945, un nouvel ordre mondial se dessina. Le monde de l’économie de marché libre était dominé par les États-Unis d’Amérique, et le bloc de l’URSS, pratiquant un capitalisme d’État, était dominé par la Russie. Officiellement, la nouvelle menace pour le monde libre n’était donc plus le nazisme, ni le fascisme, mais le totalitarisme soviétique. C’est dans ce contexte qu’en 1949, les États-Unis et leurs alliés européens créèrent l’organisation politico-militaire de défense collective, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Elle visait à assurer la sécurité nord-américaine et européenne, face au despotisme rouge. Ce qui s’inscrivait pleinement dans la logique propre à la doctrine du containment de l’administration Truman. Le 4 avril, à l’occasion de la signature du Traité, le président américain de l’époque, pour définir cette organisation dite de défense collective, s’était exprimé comme suit :  « Un programme contre les dangers d’agressions à l’encontre des Nations aimant la liberté, en s’accordant avec certaines d’entre elles, sur un accord commun visant à renforcer la sécurité de la zone Nord-Atlantique ». Ainsi, à l’Ouest, se dessinait un nouvel ordre mondial américano-centré, coalisé contre la menace soviétique.

Lord Ismay, général et diplomate britannique ainsi que premier Secrétaire général de l’OTAN avait, quant à lui, définit la raison d’être et le but de l’OTAN de la manière suivante : «Keep the Russians out, the American in, and the Germans down ».

Allemagne: d’ennemie à vassale des Américains

Dès 1945, les puissances Alliées  ont  démilitarisé l’Allemagne. Toutefois, sur le plan économique, l’Allemagne de l’Ouest (République fédérale d’Allemagne, RFA) réussit à renaître de ses cendres. Cela, notamment grâce au Plan Marshall élaboré par les Américains. Ces derniers étaient soucieux de reconstruire l’Europe. Cela, premièrement, pour que les industries américaines évitent de se trouver dans une situation de crise de surproduction. Deuxièmement, parce que le redressement de l’Allemagne de l’Ouest était nécessaire au maintien de l’équilibre franco-allemand des forces, sur le Vieux Continent. En tant que nation exportatrice, la protection conférée par les Américains aux Allemands, via l’OTAN, était hautement profitable à l’industrie allemande. Cela, tout comme la libéralisation du commerce prônée par les Américains. De ce fait, l’Allemagne devint rapidement un allié traditionnel des États-Unis.

France: d’alliée à rivale des Américains

De son côté, la France possédait encore un important empire colonial. Puissance à la fois militaire et économique, celle-ci ambitionnait de se maintenir au rang des grandes puissances. Cette dissension franco-allemande fût clairement perceptible lors de la conclusion du traité de l’Elysée du 22 janvier 1963. Ce dernier portait sur une coopération entre la France et l’Allemagne dans les domaines, entre autres, des affaires étrangères ainsi que de la défense. Il n’avait, cependant, aucune portée contraignante en ce qui concernait l’harmonisation des positions françaises et allemandes sur le plan international. Le Bundestag allemand insistait sur la primauté de l’intégration militaire atlantique. Pour la RFA, l’alliance germano-américaine primait sur toute forme d’alliance avec Paris. L’Allemagne avait son crédo: la sécurité de l’Europe devait être américaine. Pour la France, la sécurité européenne devait être, précisément, européenne.

L’Allemagne fit, somme toute, office d’agent américain sur le Vieux Continent. Elle barra ainsi la route à toute velléité française visant à faire du Vieux Continent une entité politique géopolitiquement émancipée de la tutelle américaine.

Russie: l’éternelle exclue d’Europe

Nous le disions lors de notre article précédent, le pacte germano-soviétique de 1939 avait déclenché la panique à Londres et Washington. Par un tel rapprochement, Russes et Allemands évinçaient l’influence américaine hors du Vieux Continent. Quant à la France, durant la Guerre froide, elle entendait incarner une troisième voie entre l’Est et l’Ouest. C’est dans cette logique, qu’en 1966, le Général de Gaulle décida de faire sortir la France du commandement intégré de l’OTAN. Cela, alors qu’à cette époque, le siège même de l’organisation se trouvait à Paris. Suite à ce retrait, le chef d’État français fit fermer toutes les bases de l’organisation situées sur le sol français. Dans une optique d’ouverture vers l’Est, il effectua ensuite une visite diplomatique de 10 jours en URSS. Toujours animé par cette même volonté d’afficher l’indépendance de la politique étrangère française par rapport à celle des États-Unis, Charles de Gaulle fût le premier dirigeant occidental à reconnaître, ainsi qu’à établir, des relations diplomatiques, deux ans plus tôt, en 1964, avec la Chine de Mao. Ce qui fit de ce chef d’État français, la véritable bête noire des Américains, et la France, leur véritable rivale. Ce n’est pas une soviétisation française qui inquiétait les Américains. C’était bien davantage un renforcement diplomatique et économique de la France se rapprochant de l’URSS qui inquiétait Washington. Durant la Guerre froide, ni les Soviétiques, ni les Américains n’avaient, rationnellement parlant, intérêt à se livrer une guerre véritable. L’URSS ne pouvait nullement rivaliser économiquement avec les États-Unis. La France et l’Allemagne, elles, potentiellement, le pouvaient. Cela d’autant plus si elles faisaient de l’URSS, un nouveau débouché commercial pour leurs exportations. Elles étaient donc les véritables concurrentes de l’Oncle Sam.

4/7

Sources:

  • Brzezinski, Zbigniew, 2011, Le Grand échiquier: l’Amérique et le reste du monde, Pluriel
  • Jauvert, Vincent, 2000, L’Amérique contre de Gaulle: histoire secrète (1961-1969), Ed. du Seuil.
  • Laïdi, Ali, 2016, Histoire mondiale de la guerre économique, Perrin.

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Yoann Lusikila

Yoann Lusikila est diplômé de science politique à l'Université de Lausanne. Il s'est spécialement intéressé aux enjeux de sécurité internationale, et de guerres économiques, à l'aune de la globalisation économique.

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